Série d'été
Les escargots du Mont Fossé cultivent savoirs et saveurs
Cet été, nous partons à la rencontre des femmes et des hommes qui font bouger l'artisanat en Normandie. À Sommery, Christophe et Fabienne Lamy produisent et transforment des escargots depuis 35 ans. Une passion qu'ils aiment partager avec les 2000 visiteurs qui passent chaque année à la ferme.

Intarissables ! Fabienne et Christophe Lamy pourraient parler des heures de gastéropodes. Il faut dire qu'ils maîtrisent leur sujet, car voilà 35 ans qu'ils sont héliciculteurs, c’est-à-dire éleveurs d'escargots, à Sommery. À la tête de huit hectares, ils transforment dans leur laboratoire 120 à 140 000 escargots par an. Le fruit d'un long travail engagé en 1991, à une époque où l'héliciculture (reconnue par le ministère de l'Agriculture en 1997), faisait ses premiers pas en France.
«J'ai été berger, mais ici, je n'avais pas la surface suffisante, raconte Christophe. Alors j'ai cherché des productions plus originales…» Élevage de pigeons, de lapins, de myocastors… Il étudie alors toutes les options et finit par être orienté vers les escargots. «Je me suis tout de suite dit que c'était sans doute ce qui était fait pour moi». Le choix n'a pourtant rien d'évident.
Élevés et cuisinés à la ferme
Car croire que l'héliciculture se résume à laisser vaquer les escargots dans un carré d'orties, c'est bien mal connaître l'élevage de ces gastéropodes. Au Mont Fossé, les gros gris sont tenus parqués par des clôtures électriques dans des bacs où l'hygrométrie est minutieusement contrôlée. «En 2003, avec la canicule, on a perdu 85% de nos escargots». Un épisode qui a conduit le couple à ne plus assurer lui-même la reproduction. «C'est beaucoup de travail et on fait déjà beaucoup de choses. On a préféré acheter nos jeunes à un élevage voisin, et par contre, on a travaillé sur la qualité de leur mise en place», poursuit l'éleveur.
Le temps libéré en supprimant la reproduction permet aussi de passer plus de temps au labo, car c'est aussi cela qui a conduit Christophe à l'héliciculture : maîtriser l'intégralité de la chaîne de valeur. Titulaire d'un CAP de Cuisine, il ne craint pas de transformer sa production à la ferme, en faisait le choix de la qualité. «Dans l'industrie, l'escargot est travaillé au gros sel et au vinaigre et cuit à la vapeur. Tout cela durcit la chaire. Mais si son respecte l’aliment, tout est différent. Quand le client met notre produit en bouche, c'est tout de suite gagné».
100 % en vente directe
Au final, il aura fallu trois ans à Christophe, qui sera rejoint plus tard par Fabienne, pour monter l’activité. «Nous avons avancé à petits pas, mis en place le labo… Mais j'ai eu du mal à me faire financer, car à l'époque peu de gens connaissaient cette activité». Et paradoxalement, la faiblesse de l'investissement ne rassure pas les banques qui demandent l'hypothèque de la maison.
100% de la production est ensuite écoulée en vente directe. «J'ai travaillé un peu avec une grande surface, mais entre la pression sur les prix, les demandes d'animations, et la concurrence, il y avait beaucoup trop de contraintes…» 40% de la production est vendue directement à la ferme, grâce notamment aux visites organisées sur l'exploitation et à l'accueil de camping-cars. 1500 à 2000 visiteurs y passent chaque année et viennent découvrir l'escargot et son élevage.
Le reste de la production est écoulé sur les marchés (Dieppe et Bihorel) et les salons, notamment en fin d'année. «J'ai coutume de dire que l'on produit sur l'année civile, et qu'on commercialise sur l'année scolaire… 70% de notre clientèle, ce sont des festifs et nous réalisons 40 % de notre chiffre d'affaires en décembre».
Une affaire totalement mature
Le plus souvent (75% des ventes), les escargots sont vendus encoquillés, en plateaux. Mais les escargots du Mont Fossé se dégustent aussi en mini-bouchées (dans un feuilletage). Trois beurres différents sont proposés : le classique à l'ail persillé, le beurre au roquefort et le beurre à l'estragon. Et pour ceux qui voudraient cuisiner eux-mêmes, les escargots sont aussi proposé en «chaire», c’est-à-dire cuits mais «nus».
Aujourd’hui, aux portes de la retraite, Christophe va céder l'activité à Fabienne. Mais ils commencent à penser à la relève. «Il nous reste 5 ans à faire. Même si c'est difficile de se dire qu'on va devoir partir, on espère vendre l’affaire». Celle-ci est à pleine maturité. «Nous avons une clientèle fidèle, qui apprécie la qualité de nos escargots». Une preuve : l'intégralité de la production est vendue. En fin d'année, inutile d'espérer glaner sa douzaine sans avoir préalablement commandé. «Nous pourrions sans doute produire plus, admet Christophe Lamy. Mais ce serait au détriment de la qualité».
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre