Lille : l'économie régionale résiste mais s'essouffle
On ne peut pas dire que l'humeur était au beau fixe ce vendredi 7 novembre lors des traditionnelles Rencontres Régionales de l'Économie, organisées à la CCI Hauts-de-France, à Lille. Entre les artisans qui tirent – une fois de plus – la sonnette d'alarme sur une activité sous tension, l'agriculture qui peine à recruter et le coup de froid sur l'emploi dû à la conjoncture, les seules embellies au tableau semblent être une croissance modérée mais positive et un net repli de l'inflation.
Après la Banque de France, partenaire
historique de la CCI Hauts-de-France sur ces Rencontres Régionales
de l'Économie, la Chambre de Métiers et d'Artisanat des
Hauts-de-France et la Chambre d'Agriculture Hauts-de-France, c'est au
tour de l'Urssaf Nord Pas-de-Calais de venir s'ajouter à ce tour
d'horizon des perspectives économiques régionales. «L'état
des lieux n'est pas si mauvais mais le moral n'est pas bon et chacun
se bat. Encore une fois, on peut parler de résilience», a introduit Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France.
«Nous
avons enchaîné beaucoup de catastrophes en 2025 mais on
a gagné la bataille contre l'inflation : après avoir atteint 6% en
2023, le taux d'inflation se situe aujourd'hui autour des 1% en
France. En région, l'activité se maintient malgré des disparités
: l'industrie se porte bien et même mieux qu'au niveau national mais
c'est plus difficile pour le secteur des cafés-hôtels- restaurants
et du bâtiment avec des effectifs qui n'ont pas augmenté. Du côté
des défaillances d'entreprises, elles ont évolué plus lentement en
Hauts-de-France (+6% contre 15% l'an dernier) qu'en Province et même,
qu'en France. Beaucoup d'entreprises font le dos rond», détaille Stéphane Martinat, directeur régional Hauts-de-France à
la Banque de France.
Agriculture
: un trimestre éprouvant
Avec
200 000 personnes qui travaillent dans l'agriculture de façon
directe ou indirecte, l'agriculture est évidemment un secteur
important des Hauts-de-France – c'est le premier employeur en zone
rurale – mais il ne compte plus que 20 000 exploitations agricoles
(contre 80 000 dans les années 1970). «Le
moral n'est pas bon malgré de bons rendements dans le végétal. Et
le ralentissement du commerce pèse en Hauts-de-France, qui est une
région très exportatrice. On a atteint un tel niveau de normes que
30% des agriculteurs envisagent de quitter l'élevage dans les années
à venir...», se
désole Laurent Degenne, président de la Chambre d'Agriculture
régionale. D'autant plus que près d'un agriculteur sur deux
(41%) peine à recruter, même si on recense plus de 10 500 projets
de recrutements prévus par les chefs d'exploitation régionaux. La
région tire tout de même son épingle du jeu sur les productions en
occupant la première place des carottes pour l'industrie (56% des
volumes produits au niveau national), des endives (91%), des haricots
verts (36%) ou encore des oignons blancs (42%).
L'artisanat
à la peine
«On doit rester optimistes mais on est dans une zone plus que critique. Les services et la production sont impactés par la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs et je suis très inquiet sur les artisans dans l'alimentaire dont les assurances ont augmenté de 20% et les prix des matières premières qui explosent. Il n'y a plus de limites», s'alarme Laurent Rigaud, président de la Chambre des Métiers et d'Artisanat Hauts-de-France.

54%
des artisans ont constaté une baisse de leur activité au troisième
trimestre 2025 et 58%, une dégradation de leur trésorerie (+6
points). Pire encore, 28% des interrogés déclarent un risque de
dépôt de bilan ou de procédure individuelle (10 points de plus que
l'an dernier) : un chiffre jusqu'alors jamais observé. Côté
emplois, là où les artisans embauchaient en CDI, ils sont plus
enclins à privilégier les emplois précaires, faute de visibilité.
«Nous
allons être face à un mur que l'on ne pourra pas franchir»
s'alarme le président qui lance d'ailleurs un grand débat, le 19
novembre prochain, au siège de la Chambre autour des filières
viande-farine, pour se «mettre
en ordre de marche (...) et nous en sortir».
L'emploi
salarié reste stable
Selon
les derniers chiffres de l'Urssaf Nord-Pas-de-Calais, ce troisième
trimestre est marqué par une stabilité de l'emploi pour 74% des
entreprises, en cohérence avec la croissance modérée de
l'économie. Après une période de fort rebond post-Covid (+3,4% en
2021), la croissance de l'emploi salarié s'établit à seulement
+0,2% en 2024. Si l'on entre dans le détail, en Hauts-de-France, le
tertiaire marchand réunit à lui seul 70% des effectifs,
l'industrie, 19,2% (contre 15% sur le territoire national), le reste
s'échelonnant entre le tertiaire non marchand (santé, éducation,
action sociale) et les intérimaires.
Les emplois dans la construction sont en net recul (-1,1% entre 2022 et 2024, 650 postes en moins dans les trois premiers mois de 2025), pénalisée notamment par la construction de bâtiments, même si les travaux spécialisés persistent. L'industrie est aussi en souffrance avec 670 postes perdus au premier trimestre 2025 et des carnets de commande toujours insuffisants, notamment dans la fabrication de machines, de matériels de transport, de plastiques, dans le bois ou le papier. Philippe Hourdain veut rester optimismte : «Les chefs d'entreprise ne rêvent plus, ils résistent. Notre rôle, c'est de leur redonner confiance dans l'avenir et de créer les conditions d'une croissance durable dans les Hauts-de-France». Reste à savoir si l'instabilité globale aura raison de la résilience propre aux chefs d'entreprises régionaux.