Sauvegarder l'article
Identifiez vous, pour sauvegarder ce article et le consulter plus tard !

Territoires

Lutte contre le bruit, un combat d'avenir

Le bruit coûte chaque année 147 milliards d'euros à la communauté et gâche l'existence de millions d'individus. Le cadre législatif s'efforce de prendre en compte cet enjeu majeur, mais de nombreuses solutions s'inventent sur le terrain. Y compris pour protéger la biodiversité.


© Adobe Stock.
© Adobe Stock.

Le bruit ? 147 milliards d'euros de coût social pour la communauté, pas beaucoup moins que le tabac (156 milliards d'euros, d'après l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies). Début octobre, se tenait le séminaire en ligne « Bruit en ville : de la pollution au paysage sonore », organisé par la Fabrique de la cité, centre de réflexion sur les transitions urbaines et fonds de dotation créé par Vinci. Aujourd'hui, la situation est alarmante, d'après le Centre d'information sur le bruit (CiDB), association d'utilité publique qui agit en faveur de la qualité de l'environnement sonore. Coûteux pour la communauté, le bruit est en effet extrêmement nocif pour les individus. « Il a des effets incontestables sur la santé. (…) c'est un enjeu de santé publique », explique Justine Monnereau, directrice de la communication au CiDB.

Les conséquences du bruit sont nombreuses et elles vont bien au delà des problèmes d'audition : il constitue un facteur de stress et de dépression ; il provoque des retards d'apprentissage et des troubles du sommeil... Et le phénomène est massif. « C'est la deuxième cause de décès lié à la pollution en Europe. La moitié des Français sont exposés au bruit des transports, d'après un rapport du Sénat », poursuit Justine Monnereau.

Le cadre législatif reconnaît l'existence du problème et s'efforce de le réguler. Le bruit, concept subjectif, a été remplacé dans les textes par la notion de « pollution sonore », précisément définie. La loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019, reconnaît aux citoyens le droit de vivre dans un « environnement sonore sain ».

Cartographie du bruit

Plusieurs outils réglementaires complémentaires sont destinés à assurer cet « environnement sonore sain ». Fruit de la transposition d'une directive européenne, certaines agglomérations de plus de 100 000 habitants, des infrastructures routières, ferroviaires et aérodromes d'une certaine importance ont l'obligation d'établir des PPBE, « plan de prévention du bruit dans l'environnement », tous les cinq ans. Tout commence par l'établissement de « cartes du bruit », explique Geoffrey Pot, responsable de la thématique bruit au Cerema Hauts-de-France, établissement public du ministère de la Transition écologique, qui apporte un soutien technique à l'Etat et aux collectivités sur l'adaptation au changement climatique. Ces cartes permettent de comprendre la manière dont le son se propage, les conditions d'exposition des populations, les zones où les limites jugées acceptables ont été dépassées et qui nécessitent donc des actions correctives. Ces mêmes cartes permettent d'évaluer les impacts sanitaires du bruit ( et donc, les coûts). « Les collectivités ont l'obligation d'établir un plan et elles s'engagent à mettre en œuvre des actions, mais elles n'ont pas d'obligation sur le contenu de ces actions, qui peuvent donc être légères, ni de délai imposé », note Geoffrey Pot. Les « cartes de bruit » sont publiques, ce qui offre un outil précieux aux associations qui entendent se mobiliser. A ce cadre, s'ajoute toute une série de décrets ou arrêtés qui visent à encadrer les activités susceptibles de générer différents types de bruits ( de voisinage, concernant les lieux musicaux, les activités industrielles...). Et aussi, des normes sur l'utilisation de matériaux d'isolation dans la construction...

Chanter tôt le matin

Si les dommages aux humains sont pris en compte, « dans tous ces textes, il n'y en a pas qui prennent en compte directement des mesures vis-à-vis de la biodiversité », pointe Olivier Pichard, biologiste de formation et responsable d'études biodiversité et aménagement au Cerema Hauts-de-France. En fait, rappelle l'expert, la loi de 1976 sur la protection de la nature comprend déjà des dispositions, mais force est de constater qu'elle n'est pas toujours respectée. Or, « le bruit perturbe les animaux », pointe Olivier Pichard. Il provoque stress et fatigue ; il impacte les perceptions sonores qui leur sont indispensables pour se reproduire, communiquer, comprendre qu'un prédateur ou une proie arrive... Le biologiste constate un phénomène d'adaptation. « Les espèces adoptent des stratégies . Par exemple, les oiseaux vont se décaler en fréquence, chanter plus aigu pour se démarquer du bruit ambiant. Il vont chanter plus tôt, en fin de nuit, lorsque c'est plus calme ».

Depuis quelques années, les politiques publiques s'efforcent de prendre en compte cette réalité. Par exemple, la stratégie biodiversité adoptée en 2009 intégrait la nécessité de réduire la pollution sonore. Plus récent, le plan Nature en ville (2024-2030), initie le développement de « trames blanches ». Elles suivent le modèle des « trames vertes » qui visent à assurer des corridors « verts » permettant aux animaux de circuler entre deux lieux de biodiversité. Même principe pour le bruit, « il s'agit de réduire la pollution sonore dans ces trames blanches », explique Olivier Pichard.

Un premier projet est en cours d'élaboration avec la ville de Lille. Il a commencé par une étude complexe destinée à repérer les noyaux de biodiversité et les éventuels corridors, ainsi que les moyens d'y préserver le calme, le tout, en prenant en compte le facteur humain... Parmi les outils possibles : fixer des limites pour les feux d'artifice, végétaliser, ou encore, créer des « zones de silence », identifiées par le label « quiet ». Ce dernier, porté par ministère de la Santé, fait partie des dispositifs que promeut le Centre d'information sur le bruit. Aujourd'hui, il existe une quarantaine de ces lieux labellisés : des crèches, des parcs, des cantines scolaires et aussi... un bar situé à coté du lieu où se tient le festival Jazz in Marciac.