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Nippon Steel finalise son rachat de US Steel, sous étroit contrôle du gouvernement américain

L'aciériste japonais Nippon Steel a finalisé le rachat de son rival US Steel, acceptant après des mois de blocage de Washington de strictes conditions, dont d'importants investissements aux Etats-Unis et un contrôle...

Une installation de l'aciériste japonais Nippon Steel, le 6 décembre 2024 à Kashima, au nord de Tokyo © Richard A. Brooks
Une installation de l'aciériste japonais Nippon Steel, le 6 décembre 2024 à Kashima, au nord de Tokyo © Richard A. Brooks

L'aciériste japonais Nippon Steel a finalisé le rachat de son rival US Steel, acceptant après des mois de blocage de Washington de strictes conditions, dont d'importants investissements aux Etats-Unis et un contrôle du gouvernement américain sur ses décisions stratégiques.

Ce rachat d'US Steel pour 14,9 milliards de dollars (dont 800 millions de dette) qui crée le quatrième producteur mondial en volume, avait été annoncé dès fin 2023.

Le dossier a connu moult rebondissements face à de farouches oppositions syndicale et politique qui avaient conduit le président Joe Biden à bloquer l'acquisition début janvier avant son départ de la Maison Blanche, invoquant des raisons de "sécurité nationale".

Son successeur Donald Trump s'était lui-aussi opposé au projet pendant la campagne électorale, le siège de US Steel se trouvant dans l'Etat politiquement stratégique de Pennsylvanie. Il s'est finalement résolu a lancer début avril un réexamen, avant de donner son assentiment en mai, saluant "un partenariat". 

La totalité du capital du sidérurgiste américain, retiré de la Bourse, est pourtant désormais entièrement détenue par le japonais: 100% des actions ordinaires d'US Steel seront logées dans une société ad hoc, filiale à 100% de Nippon Steel North America.

"Nippon Steel a racheté toutes les actions ordinaires d'US Steel", a confirmé à l'AFP une source proche du dossier. Les résultats d'US Steel seront consolidés dans les comptes du japonais dès le troisième trimestre. 

-Droit de veto-

Pour obtenir l'ultime feu vert de Donald Trump, Nippon Steel a dû s'engager à investir 11 milliards de dollars d'ici fin 2028, dont 2,7 milliards sont déjà en cours.

L'accord de fusion prévoit également qu'une majorité des sièges du conseil d'administration d'US Steel  soient occupés par des citoyens américains, tout comme les postes-clés de sa gouvernance, PDG compris.

Surtout, une "golden share", action privilégiée perpétuelle mais n'ouvrant aucun droit aux dividendes, sera octroyée au gouvernement fédéral.

Grâce à elle, certains changements seront impossibles sans le consentement du président américain: déplacement du siège d'US Steel hors des Etats-Unis, changement de nom, transfert de production ou d'emplois à l'étranger, fermeture d'usines, suspension d'activité...

Alors qu'experts et actionnaires s'inquiètent de voir restreinte la marge de manoeuvre du groupe, le PDG de Nippon Steel assure que cette "golden share" n'"entravera pas les opérations envisagées" et juge "parfaitement naturelles" les préoccupations de Washington concernant un groupe aussi emblématique.

"L'accord nous satisfait pleinement, il garantit la liberté de gestion et la relance de la productivité (...) Nous avons l'intention de mettre en oeuvre des mesures de revitalisation et développement dès que possible", a indiqué le PDG de Nippon Steel Eiji Hashimoto jeudi.

Bien que ce mécanisme confère au gouvernement une influence "extraordinaire", il pourrait être difficile à appliquer en période de récession si Nippon Steel ne peut s'y conformer, abonde Sarah Bauerle Danzman, chercheuse principale à l'Atlantic Council. 

-Surveillance syndicale-

Fondé en 1901 et comptant 22.000 employés, US Steel était en grandes difficultés financières.

"Il parlait de fermer d'importantes capacités en Pennsylvanie, ce qui aurait dévasté une grande partie de l'économie locale. C'est incontestablement une victoire pour les travailleurs et l'économie américaine", indique à l'AFP Gordon Johnson, PDG du cabinet GLJ Research. 

Le sénateur républicain de Pennsylvanie, Dave McCormick, a d'ailleurs remercié M. Trump, saluant une "victoire massive pour les familles ouvrières, notre économie, notre sécurité nationale et l'avenir industriel américain".

Le syndicat de la métallurgie (USW), qui avait vigoureusement combattu l'accord, promet lui de "continuer à surveiller la situation et à exiger de Nippon Steel qu'il respecte ses engagements". L'USW a également dénoncé le "saisissant degré de pouvoir personnel (obtenu par Donald Trump) sur l'entreprise".

En volume de production, l'entité fusionnée se situera au quatrième rang mondial. Grâce au rachat, Nippon Steel atteint une capacité de production mondiale de 86 millions de tonnes, contre 63 millions actuellement. Et ce sans avoir à construire de nouvelles usines, ce "qui serait absurde" dans un marché mondial déjà miné par les excédents et la surproduction chinoise, s'est félicité jeudi Eiji Hashimoto.

L'acquisition permet aussi au japonais d'échapper aux barrières douanières imposées par Washington pour satisfaire le colossal appétit des Etats-Unis, premier pays importateur d'acier.

Actionnaires et agences de notation s'inquiètent néanmoins du fardeau financier résultant de l'opération pour Nippon Steel, déjà lourdement endetté. Dans l'immédiat, le marché semblait soulagé par la finalisation tant attendue: l'action Nippon Steel a gagné jusqu'à 4,6% en séance jeudi à Tokyo.

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