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Culture

Trois questions à Damien Chaney, professeur en marketing à l’EM Normandie Business school, auteur d'une thèse sur les…

Indispensables au fonctionnement des festivals, les bénévoles sont des hyper-festivaliers. Ils vivent de manière particulièrement intense ces événements qui font office de bulle, d'évasion de la vie quotidienne.


© DR.
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Chaque festival de France a ses bénévoles... mais qui sont-ils et quelle est l'importance de leur rôle ?

A première vue, on pourrait penser que les bénévoles sont des étudiants et il est vrai que ces derniers constituent une part non négligeable de cette population. Mais il y a aussi d'autres profils. Certains sont des retraités pour qui le festival représente une occupation. D'autres travaillent, mais trouvent le moyen de dégager un peu de temps pour donner un coup de main à cet événement qui se tient dans leur région. Combien sont-ils au total ? A ma connaissance, il n'existe pas de statistique globale. Un exemple est bien connu : celui d'Hellfest, en Loire-Atlantique, l'un festivals les plus importants en France qui compte 5 000 bénévoles. Pour cet événement totalement autofinancé, l'apport des bénévoles est crucial. Mais au delà de ce cas extrême, il y a peu de doutes sur le fait que l'équilibre financier des festivals, y compris ceux qui reçoivent des subventions, serait remis en cause en l'absence de bénévoles. Le contexte actuel, peu propice aux festivals et à la culture, ne fait que renforcer l'importance de leur apport.

Que vivent ces bénévoles sur le terrain, par exemple dans les festivals de musique, selon votre dernière étude ?

Nous avons constaté que ces bénévoles sont des hyper-festivaliers. Ils vivent une expérience augmentée du fait qu'ils cumulent deux positions : celle d'une personne qui travaille pour le festival et celle d'un festivalier. En effet, les bénévoles ont accès à l'envers du décor, ils côtoient les artistes, des buvettes spécifiques sont prévues pour eux... En même temps, ils assistent à des concerts, car on leur laisse du temps libre. Dans ce contexte, les liens qu'ils tissent sont souvent très forts, que ce soit entre eux, avec l'organisation ou avec le public, pour ceux qui travaillent au bar, par exemple. Cette dimension sociale est particulièrement prégnante pour certains bénévoles, les étudiants dans le monde de la culture ou de l'événementiel, qui commencent à tisser leur réseau professionnel. Par ailleurs, les bénévoles éprouvent aussi un sentiment de fierté pour avoir contribué au bon déroulement du festival. Globalement, leur ressenti est très positif . De fait, la plupart sont fidèles à leur festival : tant que leur vie personnelle et professionnelle le leur permet, ils reviennent d'une année sur l'autre. Et ils facilitent le recrutement d'autres bénévoles...

Votre étude a aussi mis en lumière une autre perception des bénévoles qui en dit long sur l'importance des festivals dans notre société. Laquelle ?


Il s'agit une perception très forte que les bénévoles partagent avec les festivaliers : pour tous, le festival représente une parenthèse, une bulle. Pendant deux ou trois jours, tout le monde a le sentiment d'être détaché de sa vie, de ses éventuels problèmes, de son métier... Et ce temps est partagé avec des personnes avec lesquelles on se sent sur un pied d'égalité. Dans un festival, les interactions sociales sont simples. Médecin, employé, secrétaire, instituteur... Finalement, ça ne fait aucune différence.. Cette expérience de « bulle » est assez rare et la possibilité de se déconnecter qu'offre le festival devient d'autant plus précieuse dans le contexte actuel, compliqué. De fait, Owe Ronström, ethnologue, parle de « festivalisation » de notre époque. Les festivals se multiplient, des événements qui n'en sont pas se présentent comme tels, et d'autres utilisent les mécanismes du festival – comme le fait de rassembler plusieurs artistes-, même s'ils n'en prennent pas le nom.