Le réemploi dans le bâtiment a la cote en Normandie
Ce 6 juin à Rouen, l'Ademe Normandie et la Région ont organisé les premières rencontres du réemploi dans le bâtiment. Compte-rendu.

Réemployer des matériaux sur des chantiers de construction : une évidence ou une série de pro-blèmes ? La réponse a été donnée ce 6 juin à Rouen lors des premières rencontres régionales réemploi dans le bâtiment. Pour Clara Simay, associée de Grand Huit, coopérative parisienne d'architectes, la question ne se pose pas. « La biomasse planétaire, essentiellement végétale, pèse 120 gigatonnes. L'espèce humaine n'en constitue que 0,01%. Mais, depuis que l'humain est sur terre, il a produit une masse anthropogénique phénoménale de 1 154 gigatonnes, en grande partie constituée de béton et d'agrégats liés à la construction de bâtiments et de routes ».
Un phénomène qui s'emballe et qui a des conséquences. Imperméabilisation des sols et conflits d'usage, extraction des matériaux et transformation toujours plus complexes, énergivores et polluantes, exploitations de populations locales… les problèmes sont bien réels. Pour l'architecte, il est vital et urgent d'adopter des pratiques écologiques et sociétales responsables dans le domaine.
Le réemploi champion toute catégorie
S'il est indispensable d'agir, comment le faire concrètement ? « En termes d'impacts environnementaux et énergétiques, le réemploi arrive logiquement en tête, suivi par la réutilisation et le recyclage qui nécessitent une transformation », résume l'architecte. Des pratiques qui demandent une adaptation de toute la filière. Dans son travail, Clara Simay planche ainsi sur des projets qui offrent une véritable adaptabilité en fonction des matériaux réutilisés. Elle est aussi amenée à adopter des stratégies variées. « Prenons l'exemple de fenêtres métalliques qui ne sont pas au top de la performance énergétique, poursuit la jeune femme. On peut envisager de les garder en faisant un effort supérieur sur l'enveloppe du bâtiment. Réemployer c'est bien mais ne rien faire, c'est mieux ! »
Une logique qu'il n'est pas toujours évident de suivre, tant les législations se télescopent. « Nous avons travaillé sur la rénovation d'un château, illustre Maud Dauphinot, adjointe au DGA finances et moyens au sein du Département du Calvados. L'architecte des bâtiments de France nous imposait de ne pas toucher aux fenêtres datant du XVIIIe siècle. Alors que nous devions baisser de 40% la consommation énergétique… » Un véritable casse-tête. «Dans ces cas, nous sommes pragmatiques, nous suivons la réglementation la plus contraignante» conclut Maud Dauphinot. De son côté, Hubert Dejean de la Batie, vice-président de la Région Normandie, reconnaît : « quantifier la pratique du réemploi dans les appels d'offre est possible mais n'est pas évident.»
Majoration des coûts ?
Et qu'en est-il du coût ? «Si on compare à qualité égale, le réemploi n'est pas plus cher» estime un représentant de l'agence havraise Archipel Zéro qui veille à réduire drastiquement son impact carbone. «Bien souvent, par précaution, les exigences des entreprises pour la qualité des matériaux réemployés sont bien plus élevées que ce qui est imposé par la loi» note Emmanuelle Onno chargée de mission Plan Régional de Prévention et Gestion des Déchets (PRPGD). Une pratique qui peut, dans certains cas, augmenter les coûts par rapport à l'usage de matériaux neufs «standards». En revanche, la garantie décennale ne semble pas poser de problèmes aux assureurs.
En Normandie, les collectivités et les entreprises ont lancé une dynamique locale. «Le club Réemploi Bâtiment Normandie, impulsé par l'Ademe et la région Normandie en 2019, s'est structuré et a désormais un coordinateur, Séraphin Elie» souligne Chloé Saint-Martin, ingénieure en économie circulaire au sein de l'Ademe Normandie. Plusieurs initiatives ont déjà vu le jour, à l'image du Plateau circulaire, une plateforme du réemploi basée à Grentheville (14). «On ne fait pas encore suffisamment appel à nous, constate Frédéric Adam, cofondateur. Nous avions été très prudents lors de notre dimensionnement mais nous ne sommes qu'à 20% de nos capacités». «Aujourd'hui, il y a des initiatives dans ce domaine en Normandie. Nous voulons que chacun puisse partager ses compétences et ses méthodologies» rebondit Chloé Saint-Martin. Une vision soutenue par la Région. «Il faut oser, mais pas à pas» conclut Emmanuelle Onno.
Pour Aletheia Press, Lætitia Brémont