À Mayotte, plus de 800 migrants africains vivent toujours dans un camp de fortune
Plus de 800 migrants originaires d'Afrique des Grands Lacs sont contraints de vivre dans un camp de fortune à Mayotte, en pleine saison des pluies, deux mois après le démantèlement d'un précédent site par les...
Plus de 800 migrants originaires d'Afrique des Grands Lacs sont contraints de vivre dans un camp de fortune à Mayotte, en pleine saison des pluies, deux mois après le démantèlement d'un précédent site par les autorités françaises de l'archipel de l'Océan indien.
Faute de solutions d'hébergement sur ce territoire, ravagé il y a un an par le cyclone Chido, beaucoup sont revenus s'installer dans des conditions précaires.
Kennedy Kighana traverse les allées boueuses du camp de Tsoundzou 2, sur la côte Est du département français le plus pauvre, en prenant garde à ne pas glisser. Quelques heures plus tôt, la pluie a détrempé le sol.
"Quand il pleut, l'eau monte jusque-là", indique l'homme de 28 ans, venu de la République démocratique du Congo (RDC), en désignant une case faite de bambou et de bâches, au bord de la mangrove.
Depuis plusieurs années, Mayotte - située entre le continent africain et l'île de Madagascar - est devenue une destination sur une nouvelle route migratoire empruntée par des ressortissants des pays de la région des Grands Lacs (RDC, Rwanda, Burundi). Arrivés sur les côtes tanzaniennes, ces migrants tentent ensuite une traversée périlleuse, souvent via les Comores.
"On veut juste la sécurité, la paix et la protection", martèle Ange Munezero, 25 ans, ressortissante de RDC. Elle dit avoir fui la province orientale du Sud-Kivu, ravagée par des conflits armés depuis trois décennies, et théâtre d'affrontements entre le groupe armé M23, soutenu par des troupes rwandaises, et les forces armées congolaises.
Comme beaucoup d'autres, ces migrants vivent dans des camps insalubres, régulièrement démantelés par les autorités avant de se reconstituer ailleurs.
Celui de Tsoundzou 2 avait été détruit le 22 octobre, lors de ce que le préfet François-Xavier Bieuville avait présenté comme "la plus grande mise à l'abri de l'histoire de Mayotte".
Sur les 1.272 habitants recensées, seuls 400 avaient été relogés, faute de places disponibles. Deux mois plus tard, un peu plus de 800 personnes ont réinstallé leurs abris de fortune aux abords du village-relais géré par l'association Coallia, selon le décompte de Kennedy Kighana.
Surnommé "le Président" pour son rôle de représentant du camp, il explique que réfugiés et demandeurs d'asile ne peuvent compter que sur la "bonne volonté" des uns et des autres pour se mettre à l'abri.
Source de tensions
Plusieurs ONG interviennent ponctuellement dans le camp, comme la Croix-Rouge. L'antenne de Mayotte n'a pas souhaité répondre aux sollicitations de l'AFP, tout comme la plupart des associations contactées, la mairie de Mamoudzou et la préfecture.
Un cadre d'une ONG, qui accepte de s'exprimer sous couvert d'anonymat, explique que son association a installé un mécanisme de pompage d'eau de rivière, un accès jugé rudimentaire et fragile en saison des pluies.
Cinq sanitaires ont également été apportés, et les habitants ont accès quelques heures par jour à deux citernes d'eau. "Toute personne a droit à des conditions de vie dignes", insiste-t-il.
Ces camps constituent un sujet très sensible dans le 101e département français, confronté à une forte pression migratoire. En 2024, la présence d'un camp au stade de Cavani, à Mamoudzou, avait déclenché l'installation de barrages par des "collectifs citoyens" pendant plus d'un mois.
La même année, les locaux de l'association Solidarité Mayotte, accompagnant les demandeurs d'asile, avaient été incendiés. Régulièrement, les habitants de Tsoundzou 2 sont victimes d'agressions, selon Kennedy Kighana et Ange Munezero.
La vie quotidienne reste éprouvante. "Ce ne sont pas des conditions favorables aux personnes humaines", résume David Muzusangabo, 34 ans. "Il y a beaucoup de moustiques, des maladies. On cuisine directement sur le sol", dit-il, aux abords d'une grande case où s'entassent mères et enfants.
Arrivées "tous les jours
La promiscuité devient d'autant plus préoccupante que l'espace manque. "On a de nouvelles personnes qui arrivent tous les jours. Hier, une famille de sept s'est installée", notait Kennedy Kighana, le 12 décembre.
Arrivée en octobre à Mayotte, Ange Munezero a dû s'installer à l'entrée du camp, sur le bord de la route qui traverse le village. "On nous dit que notre case va être détruite si on ne va pas plus à l'intérieur", s'inquiète-t-elle, refusant de s'installer directement dans la mangrove, régulièrement inondée.
Depuis un arrêté préfectoral du 12 novembre interdisant la construction d'habitations informelles sur trois kilomètres le long de la route, les nouveaux arrivants redoutent de voir leurs abris détruits à tout moment.
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