Aidance des salariés : un enjeu d’égalité professionnelle et de dialogue social
Intégrer la question de l’aidance dans les politiques d’entreprise devient un levier d’égalité professionnelle et un nouveau champ de négociation collective.
Avec 62 % des aidants qui sont des femmes, souvent mères de famille, qui cumulent responsabilités domestiques et accompagnement d’un proche, l’aidance devient un sujet d’égalité entre les femmes et les hommes. Ce sont encore elles, le plus souvent, qui réduisent ou interrompent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un proche, au risque de pénaliser leur carrière. Etant donné qu’« être aidant s’inscrit sur le temps long et impacte largement la vie professionnelle. C'est aussi s'exposer à des pertes de salaire, ou à des pertes de poste », signale Jean-Manuel Kupiec, secrétaire général de l’OCIRP (Union d'institutions de prévoyance à gestion paritaire). Ce déséquilibre accentue les inégalités de carrière et de revenus. D’où la nécessité d’intégrer la question de l’aidance dans les politiques d’égalité professionnelle : maintien du salaire, dispositifs de remplacement, formation continue adaptée. Exemple : l’accord de la Macif signé en 2024 accorde aux salariés aidants jusqu’à dix jours de congé dédiés, plus de souplesse en télétravail ou en temps partiel, ainsi que des aides financières sur les frais liés aux déplacements ou à l’hébergement. Il prévoit aussi la possibilité de dons de congés, abondés par la direction.
Pour les syndicats comme pour les directions, l’aidance agit comme un révélateur : elle interroge la place du travail dans la vie, la solidarité au sein des collectifs et le rôle social de l’entreprise. « On a longtemps su accompagner la diversité et l’inclusion pour des populations minoritaires, note Antoine Lajoanie, directeur des relations sociales de Sanofi. Il serait dommage qu’on n’y parvienne pas pour les aidants, une population appelée à devenir majoritaire. »
Un sujet de dialogue social encore émergent
Reconnaître l’aidance comme un enjeu d’égalité professionnelle, c’est ouvrir la voie à un nouveau champ de négociation collective. Les représentants syndicaux plaident pour une négociation interprofessionnelle sur les aidants. Objectif : créer de nouveaux droits communs et éviter que la qualité de vie au travail dépende de la taille ou du secteur de l’entreprise. « C’est un véritable sujet de dialogue social, au même titre que la santé au travail », insiste Jean-Manuel Kupiec, qui se félicite que les entreprises et les branches progressent sur le sujet, avec de nombreux accords négociés en 2024 et 2025. Et de rappeler qu’un accord efficace doit détailler ce que l’entreprise entend par « aidant », l'organisation du travail qui en découle et les aides financières légales ou extra-légales. « Les partenaires sociaux doivent s’en emparer, car l’État renvoie la responsabilité aux branches et aux entreprises.»
Certaines pistes sont déjà évoquées, telles que l’intégration du risque d’aidance dans les documents uniques d’évaluation des risques professionnels (Duerp) ; la création d’espaces de discussion sur le travail permettant de repenser l’organisation avec les équipes ; ou encore la désignation d’un « référent aidant » dès 50 salariés, sur le modèle du référent handicap, pour écouter, orienter et accompagner les salariés concernés, « libérer la parole et éviter les discriminations » glisse Jean-Manuel Kupiec.