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Dégradation inquiétante des délais de paiement

Les retards de paiement s'accroissent en France, avec des différences selon les secteurs. Toujours, au détriment des PME ont montré les récentes «Assises des délais de paiement et des financements».

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Toutes les analyses concordent : la situation se dégrade. Le 17 octobre, à Paris, dans les locaux de la Banque de France, se tenaient les « Assises des délais de paiement & des financements », organisées par l'AFDCC, Association professionnelle qui regroupe 1 000 credit managers et la la Figec , Fédération nationale de l’information d’entreprise, de la gestion des créances et de l’enquête civile. Plusieurs facettes du phénomène, observées par des acteurs différents, composent un tableau inquiétant. En termes de retard de paiement moyen, depuis plusieurs mois, « la France se situe au-dessus de la moyenne européenne. C'est du jamais vu », commente Gilles Lambert, product marketing manager risk France au cabinet d'études Altares. En juin 2025, la France affiche un retard moyen de 14,1 jours contre 14 pour l'Europe en matière de paiement aux entreprises. Il y a dix ans, le retard français se limitait à 13,6 jours, vs 14,6 pour celui européen.

Autre constat, l'évolution différenciée selon les secteurs d'activité en France, observée par Ellisphere, spécialiste de l'information décisionnelle. Lequel fixe une moyenne de 18,08 jours de retard, tous secteurs confondus, fin septembre 2025. Amplitude : de 11,32 à 23, 28 jours. A une extrémité, « deux secteurs sont de très bons payeurs, le commerce et l'industrie extractive », commente Michael Delaporte, chargé de collecte de données chez Ellisphere. Le premier affiche 11,32 jours de retard de paiement, le deuxième, 13,08. Suit l'agriculture sylviculture et pêche ( 13,37). A l'autre bout du spectre : les secteurs de la santé humaine et action sociale (23, 28 jours) , l'activité de service administratif et de soutien (22,23), les activités spécialisées, scientifiques et techniques (22,11). Le secteur de l'hébergement restauration s'est stabilisé autour de 19,04 jours, après une dégradation lente mais constante de ses délais.

Quant au secteur de la construction, ses retards sont passés de plus de 20 jours en 2023 à 18,65. Une évolution vraisemblablement liée à la disparition d'entreprises fragiles. Autre analyse, enfin celle de l’Observatoire des délais de paiement. D'après son rapport 2024, la dynamique de réduction des délais de paiement s'est essoufflée, même si la proportion d'entreprises qui payent en retard diminue. Et la moitié seulement des grandes entreprises acquittent sans retard, alors qu'elles sont généralement payées dans les délais. Au total : 15 milliards d'euros de trésorerie au détriment des PME.

« Inadmissible »

« C'est inadmissible », confirme Gilles Mure-Ravaud, président de GMI, Groupement des métiers de l’impression et de la communication qui réunit 217 TPE-PME-PMI (imprimeurs numériques et traditionnels, sérigraphistes...). « 20 jours de retard de règlement, c'est énorme », explique-t-il, détaillant un secteur pris en étau entre des fournisseurs qui demandent à être payés à 30 jours, voire, « au cul du camion », et des clients comme l'édition qui paient à 90 jours (retards non compris). Au global, d'après le baromètre d'activité de GMI, 42% de ses membres constatent une hausse des retards de paiement.

Dans un tout autre domaine, Sylvie Combe, dirige Albacombee, un cabinet de conseil ( RSE) qui travaille avec des consultants indépendants, et avec une clientèle variée (ETI, fédérations professionnelles, groupes...). Pour elle aussi, les délais de paiement constituent un enjeu de taille. « Je passe du temps en recouvrement, entre quelques heures et une journée par mois pour aller chercher l'argent. (…). Les relances prennent un certain temps. Souvent, on reçoit un mail pour dire qu'on va être réglé à date d'échéance de facture, mais le paiement arrive un à six jours après », explique-t-elle. Selon les clients, elle observe des comportements très différents. Certains payent très régulièrement, voire, en avance. Les grands groupes constituent un cas à part, complexe à gérer. « Cela s'est beaucoup processé dans les grandes entreprises (…) Beaucoup plus de gens valident les étapes, et personne n'est responsable. Si quelqu'un est absent au mois de mai, cela fait des retards infernaux. (…) Les plateformes déportent sur le fournisseur des actes administratifs » constate Sylvie Combe. La cause des retards ? « plutôt des interlocuteurs débordés » que de la « malhonnêteté » estime-t-elle. Sa technique est rodée : Albacombee demande un acompte et des paiements mensuels. En cas de réel problème... les rendez-vous sont tout simplement suspendus, le temps que les paiements reprennent. Cette gestion des éventuels défauts de paiements est rendue possible par la nature des prestations assurées et la structure de l'entreprise.

Mais pour beaucoup d'autres entreprises, en particulier celles qui fournissent des biens, les conséquences sont bien plus pesantes. A ce titre, « nous militons pour un déplafonnement des sanctions » pour les mauvais payeurs, prévient Frédéric Visnovsky, Médiateur national du crédit à la Banque de France. Pour lui, une amende portée à 1% du chiffre d'affaires des mauvais payeurs permettrait d'éviter que des entreprises n'utilisent les retards pour financer leur activité, une pratique permise par le fait que des amendes ne sont ni suffisamment élevées, ni assez fréquentes.

Médiation des entreprises : gratuit et confidentiel

En cas de difficulté à se faire payer par un client important (privé ou public), les entreprises peuvent faire appel au Médiateur des entreprises. Ce service qui dépend de Bercy accompagne les deux parties pour trouver une issue à la situation sans passer par la case justice. Et en préservant la relation commerciale entre les deux.