"Derrière le prix du prix, se cache un enjeu majeur" alerte la minoterie Forest
Le prix du blé ne cesse de baisser depuis plus d’un an. Si cela semble une bonne chose pour les meuniers et les boulangers, la minoterie Forest, à Bray, invite à ne pas céder au chant de ces sirènes économiques dans l’intérêt de la filière agricole.
La filière blé-farine-pain traverse de profondes turbulences. Les bons rendements de céréales à paille en 2025, concernant le blé en particulier, a entraîné une chute des cours boursiers, le prix actuel étant le plus bas depuis 2020. En parallèle, les coûts de production des agriculteurs continuent eux à augmenter. Une situation qui inquiète la minoterie Forest, à Bray. "Le prix de vente, encadré sur les marchés, ne couvre pas les coûts de production donc les producteurs vendent à perte", se désole Karine Forest, présidente de la minoterie Forest.
Une filière impliquée
Si la situation présente un avantage économique immédiat pour les meuniers et les boulangers, elle recèle des dangers pour l'agriculture française. "Aujourd’hui, on pourrait acheter tous nos blés sur ce marché mondial mais on a fait un autre choix", poursuit la présidente. En effet, l’entreprise met un point d’honneur à prendre 15 % de son blé dans le cadre du label Agri-Ethique. Ce dernier vise à garantir un prix en fonction du coût de production de l’agriculteur. "C’est la base du commerce équitable et donc du label", insiste Karine Forest.
"Avec le prix Agri-Ethique, on gagne ou on perd, selon les années, car parfois le prix de production est moins élevé que le marché. C’est une démarche qui doit se voir sur le temps long" détaille la responsable. La minoterie Forest achète son blé dans un rayon de 150 kilomètres autour du moulin. De plus, elle s’engage sur trois ans sur des volumes définis, donnant ainsi une certaine visibilité à une profession soumise continuellement aux aléas climatiques. Chaque mois, le label s’appuie sur des indices calculés en fonction des prix de production, incluant les revenus. À partir de ces indices, le prix est révisé tous les ans.
Une éducation à l’alimentation
Pour la meunière, les sujets de la souveraineté, de la transition environnementale, de la transmission des exploitations s’imposent dans les préoccupations de la profession. "Il est important de réfléchir à la façon de sortir des marchés mondiaux pour revenir à un certain bon sens et payer le prix du travail et des coûts", constate Karine Forest. Laquelle rappelle que le pain réunit le boulanger, bien identifié par le consommateur, mais aussi le meunier, l’organisme stockeur et l’agriculteur en début de chaîne.
"Quand le pain est bradé, cela provoque une confusion dans les esprits", remarque Karine Forest. Les gens peuvent alors perdre la notion du prix de l’alimentation. "L’augmentation du prix des cigarettes passe chaque année, mais mettez trois centimes sur une baguette de pain et ça grince des dents." Le consommateur en oublie qu'il a un pouvoir d'action en fonction de ses choix d'achat. "Il peut agir en faveur de la souveraineté alimentaire et pour maintenir une agriculture de qualité", rebondit la cheffe d'entreprise.
La dirigeante s’interroge sur la question de l’éducation au prix de l’alimentation. Pour sensibiliser le plus grand nombre, la minoterie et les acteurs d’Agri-Ethique se rendent chez les boulangers avec des agriculteurs pour échanger avec les consommateurs. "Cela enclenche une prise de conscience".
Pour Aletheia Press, Nadège Hubert