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Défaillances

Entrepreneurs : pourquoi est-ce si difficile de rebondir ?

En France, les dirigeants ont du mal à rebondir après un échec entrepreneurial. Une récente étude de Bpifrance le Lab dévoile les multiples ressorts cachés de cette dynamique néfaste.


© Adobe Stock.
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La pente est rude. L'étude « Rebondir : les dirigeants face à l'échec entrepreneurial », réalisée par Bpifrance le Lab, laboratoire d'études de la Banque publique d'investissement, a été dévoilée lors de la 4ème édition des Assises du Rebond, tenue à Paris le 27 octobre et retransmise en ligne. Avant de présenter les résultats, Bao-Tran Nguyen, responsable du pôle études stratégiques Bpifrance Le Lab, tient à réaffirmer un préambule : la défaillance est un événement « normal » de la vie des entreprises. Mis à part la période exceptionnelle de rattrapage post-Covid, depuis 2000, environ 52 000 entreprises disparaissent en moyenne chaque année. Et d'après l'étude, un dirigeant sur deux a déjà été dans le rouge.

« N'importe qui peut être concerné », commente Bao-Tran Nguyen. Reste que face aux difficultés, tous ne sont pas également armés selon la taille de leur entreprise. L'écart est immense : 71% des dirigeants des entreprises de moins de 10 salariés qui connaissent des difficultés ne se paient pas, contre 17% dans le cas des PME de plus de 100 salariés. « Ils convoquent beaucoup d'autres leviers de gestion, comme de négocier les créances publiques ou un emprunt. Certains obtiennent même un apport en capital », précise Bao-Tran Nguyen.

Autre constat de l'étude, l'ampleur des multiples difficultés générées par l'échec entrepreneurial. Sur le plan financier, 54% des dirigeants se retrouvent en situation de précarité financière, après une procédure collective, un taux qui grimpe à 63% chez ceux dont l'entreprise a été liquidée. Les trois quart des personnes interrogées déclarent des problèmes de santé, 61% d'entre elles des troubles du sommeil. Déménagements forcés, divorces et séparations font aussi partie de l'équation (12% des répondants).

Violence du choc et ostracisme financier

L'un des motifs principaux dévoilés par l'étude qui explique des difficultés à rebondir réside dans la brutalité du choc engendré par une faillite restée jusqu'à ce moment abstraite. Elle n'a jamais vraiment été anticipée, d'après les témoignages. Interrogés, les entrepreneurs évoquent la « violence de la cessation de paiement » qu'ils n'avaient pas imaginée, explique Bao-Tran Nguyen. Par exemple, dans leur projet de société, 60% des dirigeants ont été contraints de s'engager à titre individuel pour garantir les dettes de leurs entreprises. « Lorsqu'ils commencent à prendre conscience que ça va leur tomber dessus, c'est un frein de recours aux procédures collectives parce qu'ils ont le sentiment que les banques vont leur demander de rembourser. Ils n'ont pas conscience que, effectivement, pendant le plan de redressement et de continuation, la caution personnelle est mise en suspens. Ils ne savent en général pas non plus que, même une fois la liquidation opérée, ils peuvent contester, à certaines conditions, la caution personnelle. Cela grève très fortement leur capacité de rebond », précise Simon Borel, responsable de projets d’études chez Bpifrance le Lab.

Dans le même sens, chez les entrepreneurs qui n'y sont pas passés, « l'écosystème du rebond n'est pas très connu », poursuit-il. L'étude montre que le regard des entrepreneurs obligés de passer par cette étape évolue. Leur taux de confiance sur les auxiliaires de justice ( mandataire, administrateur et conciliateur) augmente, passant de 4 à 24% (par rapport aux entrepreneurs qui n'ont pas connu ces épreuves).

Mais il existe un autre « obstacle structurel au rebond », pointe Simon Borel : les difficultés de financement bancaire : 68 % des dirigeants en redressement peinent à obtenir un prêt bancaire. Et même après, la défiance des établissements prêteurs se confirme : 71 % des dirigeants ayant traversé une procédure amiable ou collective se heurtent à des difficultés pour rebondir dans un nouveau projet.