Droit
L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions de la Cour de cassation en matière de droit du travail.

Licenciements
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, nonobstant une conséquente ancienneté qui n’est pas, à elle seule, de nature à exclure la faute grave. La Cour de cassation a retenu la faute grave, dans cette affaire où le salarié concerné justifiait pourtant d’une ancienneté de 28 ans, qui reposait sur l’existence d’un management hostile/toxique. En effet, ce type de comportement, mettant à risque la santé mentale des équipes, est à mettre en lien avec l’obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels de l’employeur. (Cass. soc., 4 juin 2025, n°23-20600)
La cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient. (Cass. soc., 9 juillet 2025, pourvoi n° 22-12201)
Rémunération
L’ancienneté peut justifier une différence de rémunération et être un élément objectif et pertinent. La Cour de cassation rappelle qu’il y a toutefois une exception à cette règle : si l'ancienneté est déjà prise en compte dans une prime spéciale. (Cass. soc., 9 juillet 2025, pourvoi n° 24-15961)
Mobilité
L'employeur peut affecter le salarié itinérant à un autre secteur géographique de manière temporaire. En revanche, la modification pérenne du secteur géographique du salarié constitue une modification de son contrat de travail que ce dernier peut refuser, sauf en présence d’une clause de mobilité. (Cass. soc., 11 juin 2025, pourvoi n° 24-14412).
Santé au travail
C'est à la date de la déclaration de la maladie professionnelle accompagnée du certificat médical initial que doivent s'apprécier les conditions d'un tableau de maladies professionnelles, dont celle tenant à la durée d'exposition au risque, lorsqu'elle est prévue. (Cass. 2e civ., 26 juin 2025, pourvoi n° 23-13295)
L'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle prononcée par une décision de justice passée en force de chose jugée ayant reconnu, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, que cet accident ou cette maladie n'avait pas de caractère professionnel, ne fait pas obstacle à l'exercice par la caisse de l'action récursoire envers l'employeur. (Cass. 2e civ., 26 juin 2025, pourvoi n°23-15112)
Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement du salarié inapte incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties. (Cass. soc., 9 juillet 2025, pourvoi n° 24-11169)
Transfert d’entreprise
La signature d'avenants aux contrats de travail des salariés transférés, imposée par la convention collective applicable, constitue une novation du contrat de travail. La relation de travail avec la société cédante est rompue, ouvrant droit pour les salariés à toutes les indemnités consécutives aux ruptures du contrat de travail. (Cass. soc., 2 juillet 2025, pourvoi n° 23-20428)
Aucune indemnisation pour perte de chance d'acquérir des actions gratuites n'est due par l'employeur au titre des actions non acquises par les salariés à la date du transfert de leur entreprise. (Cass. soc., 18 juin 2025, pourvoi n° 23-19748)
CSE
Un accord collectif peut réserver au comité social et économique (CSE) central le droit à expertise portant sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi. (Cass. soc., 18 juin 2025, pourvoi n° 23-10857)
Actu : la tentation de revenir sur la rupture conventionnelle
La ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a pointé du doigt les abus en matière de rupture conventionnelle. Pour certains employeurs, il s’agirait d’un « licenciement déguisé », quand certains salariés, eux, auraient recours à une « démission déguisée en rupture conventionnelle ». Or, pour la ministre, « quelqu’un qui est en rupture conventionnelle, c’est son choix, contrairement au licenciement. Alors il faut aussi regarder les conditions d'indemnisation [du dispositif] à l’assurance chômage ». Elle a donc invité les partenaires sociaux à revoir un système qui date de la loi sur la modernisation du marché du
travail du 25 juin 2008.
Pratiquement, ces ruptures conventionnelles ont représenté 515 000 cas en 2024 et pèsent 9,4 milliards d’euros dans les dépenses d’allocations chômage, soit un quart du total. Et le gouvernement a eu beau vouloir limiter leur nombre en augmentant, au fil des années, le forfait social (2 % en 2009... 20 % en 2013 à 30 % de contribution patronale aujourd’hui), rien n’y fait, le modèle semble toujours aussi attractif.
À une heure où les pouvoirs publics cherchent à faire des économies, il est tentant de mettre le dispositif de rupture conventionnelle dans le panier des 43,8 milliards d’euros d’économies prévus en 2026. Les idées sont nombreuses : délai de carence allongé, accès restreint… Les pistes seront laissées aux mains des partenaires sociaux. Mais la réforme s’annonce tendue, ce dispositif faisant l’unanimité en sa faveur dans l’entreprise : les salariés peuvent bénéficier des allocations chômage ; les entreprises peuvent rompre le contrat de travail de salariés jugés inefficaces ou trop coûteux et, sans mettre en œuvre des procédures de licenciement longues.
Pour certains économistes, ce serait une erreur de fragiliser un outil qui a contribué à assouplir le CDI. Affaire à suivre…