Agriculture
La naissance de la noix de Lorraine
Réunis dans le collectif baptisé «Les copains à la Noix», dix agriculteurs meusiens et meurthe-et-mosellans vont officiellement dévoiler leur unité de production et de transformation de noix le 17 octobre prochain, implantée à Lisle-en-Barrois. Quatre millions ont été investis dans ce projet unique dans le Grand Est.

L'enjeu de la diversification. C’est le point de départ de cette aventure collective qui a démarré en 2016, une année noire pour les céréaliers lorrains. «Nous perdions tous de l’argent et une rencontre avec un producteur de noix qui lui en gagnait nous a fait réfléchir. Nous devions trouver des alternatives face aux changements climatiques», se rappellent Alexandre Lang et Pierre Maigret, tous deux céréaliers et à l’origine du projet. Si la production française de noix se concentre sur deux départements : en Isère et dans le Périgord, ils se rendent compte que leurs exploitations sont à la même altitude, avec une terre similaire mais avec une hydrométrie plus favorable. Ils commencent alors à planter, dès 2017, des noyers sur leurs exploitations respectives, dont certaines avec des zones de captage, dans un périmètre de 80 km, et décident de s’engager dans la filière bio, avec la volonté de «se démarquer et de miser sur la qualité». Ce projet est porté collectivement par dix amis installés en Lorraine et qui ont tous moins de quarante ans avec la ferme intention de lancer une nouvelle culture pérenne sur la région. Entre 2018 et 2020, tous ont été confrontés à trois étés particulièrement chauds. «En choisissant le bio, nous n’avons pas pris le chemin le plus simple car les jeunes arbres ont dû combattre ces sécheresses avec une gestion de l’enherbement, mais nous ne le regrettons absolument pas», analysent-ils aujourd’hui. Entre 2017 et 2021, ils ont ainsi planté 400 hectares de noyers au cœur de leurs exploitations et projetaient alors de se réunir au moment de la commercialisation. C’était leur idée de départ. Mais les voyages d’études dans le Sud de la France, au Bénélux, en Italie puis en Californie dans des exploitations conventionnelles et bio leur ont progressivement fait changer d’avis. Autant de visites essentielles qui ont nourri leur projet et leur ont permis de mieux comprendre les problématiques de la filière de la noix et notamment la question centrale des coûts de production. «Notre fil rouge, c’est la chance de rencontres bienveillantes qui nous ont accompagnés dans cette belle histoire».
Un projet d’ampleur qui a évolué au gré des voyages d’études
Le projet mûrit et ils décident de créer une seule ligne de traitement et de transformation de la noix. Car si au début, ils pensaient vendre le fruit entier : la noix en coque, finalement ils prennent conscience de l’opportunité de répondre à tous les marchés en intégrant les cerneaux pour les chocolatiers, boulangers… mais aussi les cerneaux en miettes pour la production de farine et d’huile. L’objectif est de tout valoriser de A à Z. Le site géographique s’est vite imposé, dans la Meuse, sur les terres d’Alexandre Lang, installé à Lisle-en-Barrois qui disposait de superficies disponibles et dont la localisation est centrale par rapport à l’ensemble des associés. En France, seules des petites installations de traitement des noix sont en activité, il a donc fallu identifier quel constructeur serait en mesure de leur dimensionner leur ligne de traitement. Un seul a répondu présent pour relever le défi. Les travaux ont démarré il y a un an avec la construction d’un bâtiment de 1 500 m2. Mais très vite, le besoin de place supplémentaire s’est fait ressentir pour intégrer l’ensemble de l’unité de transformation. Un second bâtiment accolé de 600 m2 a donc été utilisé pour la partie séchage. Quant au cassage, il sera aménagé à Longuyon chez Pierre Maigret qui dispose d’un local adapté. La partie laboratoire est d’ailleurs en cours d’aménagement. Pour ce projet, quatre millions ont été engagés dont 492 000 euros dans la construction du nouveau bâtiment, 1,9 million dans l’acquisition de la ligne de traitement auquel s’ajoute 1,5 million pour le matériel, que ce soient les machines de récoltes, les vibreurs (pour faire tomber les fruits) ou les nettoyeurs.

© Benjamin Prost- L'unité de production et de fabrication sera bientôt opérationnelle
Un soutien de tous les partenaires
Dans cette aventure collective, les dix agriculteurs ont été soutenus localement avec des aides financières de la région Grand Est, du GIP Objectif Meuse, des agences de l’eau Seine Normandie et Rhin-Meuse ainsi que du fonds avenir Bio. «Sans eux, nous n'aurions pas pu investir dans une ligne de traitement de haut niveau, nous aurions dû nous contenter de matériels d’occasion. Nous sommes conscients de l’importance de ce soutien des différents partenaires qui croient en notre projet agroalimentaire», se réjouissent les jeunes agriculteurs associés qui ajoutent avoir mis «une année pour remplir tous les dossiers», aidés par les experts de la chambre de la Meuse et de la CUMA. C’est au cœur de l’été que l’aménagement de la ligne de traitement a véritablement démarré, aidé par deux recrutements. L’outil devrait être opérationnel avant la fin du mois d'octobre, au moment où la première récolte de fruits est programmée. Ce sera une première année test. Cinq tonnes devraient être traitées. À terme, ce sont 3,5 tonnes par hectare qui seront récoltées ; un plafond atteint d’ici quatre ou cinq ans. Sur les premiers vergers l’heure est à l’aménagement puis viendra le temps de la commercialisation. Les associés ont d’ores et déjà reçu des demandes de restaurateurs mais aussi de magasins spécialisés. Au-delà du Grand Est, ils savent que les besoins au Bénélux sont grands. Eux préfèrent ne rien précipiter et attendre d’être prêts pour être à la hauteur des attentes de toute une région qui assiste... avec enthousiasme, à la naissance en Lorraine d’une nouvelle filière d’exception.