Le budget rejeté à la quasi-unanimité, le gouvernement croit encore à un accord
Fait inédit dans la cinquième République, la quasi-totalité de l'Assemblée s'est opposée dans la nuit de vendredi à samedi au projet de budget de l'État. Un vote sans surprise, qui augure mal de son adoption avant la fin de l'année.
Un compromis est-il encore possible sur le budget de l'État après son rejet à la quasi-unanimité par l'Assemblée nationale ? Le gouvernement répond par l'affirmative ce samedi 22 novembre, tandis que des options alternatives pour assurer la continuité des finances publiques en l'absence d'accord sont de plus en plus évoquées. Fait inédit dans la Ve République, la quasi-totalité de l'Assemblée s'est en effet opposée dans la nuit de vendredi à samedi au projet de budget. Un vote sans surprise, mais qui augure mal de son adoption avant la fin de l'année.
Après 125 heures de débats parfois houleux sur la fiscalité du patrimoine, ou celle des grandes entreprises, 404 députés ont rejeté la partie recettes du texte (un pour, 84 abstentions), emportant ainsi l'ensemble du projet de loi, sans même étudier la partie dépenses. Les groupes de gauche et le RN ont voté contre, ceux du camp gouvernemental se sont divisés entre votes contre et abstentions. Seul à voter pour, le député du groupe centriste Liot, Harold Huwart. L'Assemblée avait déjà rejeté en 2024 le budget de l'État, de manière inédite sous "la cinquième". Mais c'est une première qu'il le soit avec une telle ampleur...
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"Le compte n'y est pas" (PS)
Le camp gouvernemental a largement invoqué les mesures fiscales votées par les oppositions - "des horreurs économiques", selon Paul Midy (Renaissance) - pour justifier son absence de soutien au texte de l'exécutif. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a lui pointé vendredi des "coups tactiques des extrêmes qui rendent la copie insincère". Le PS, qui a accepté de ne pas censurer le Premier ministre en échange de la suspension de la réforme des retraites et d'un abandon du 49.3, espérait que les débats permettent d'arracher une mesure de justice fiscale, taxe Zucman ou succédané. Des propositions repoussées. Et la taxe sur les holdings proposée par le gouvernement a même été édulcorée à l'initiative de la droite. Les socialistes avaient aussi arraché le vote d'un Impôt sur la fortune improductive, à l'écriture bancale.
Les députés ont en outre adopté une hausse de deux milliards d'euros de la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, un doublement de la taxe sur les géants du numérique, ou encore le plafonnement de certaines niches fiscales. Mais "le compte n'y est pas", a lancé Boris Vallaud (PS), estimant les recettes insuffisantes pour effacer des économies irritantes sur les politiques publiques.
Le budget va désormais être examiné par le Sénat, qui devrait en débattre dans l'hémicycle dès jeudi, en repartant du projet initial du gouvernement. Son adoption par le Parlement apparaît désormais comme une gageure, en termes de délai - avant la fin de l'année -, comme en termes de majorité pour le voter.
49.3, loi spéciale ou ordonnances ?
Le rapporteur général du budget Philippe Juvin (LR) suggère, lui, au gouvernement de recourir finalement à l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer un budget avant le 31 décembre. Le pari étant qu'il serait plus facile pour le PS de ne pas censurer le gouvernement que de voter pour un budget de compromis, traditionnel marqueur de l'appartenance à une majorité.
Le gouvernement peut aussi faire adopter une loi spéciale, sorte de reconduction du budget 2025 qui permettrait de percevoir les impôts existants, avant de reprendre les débats parlementaires en début d'année. C'est l'hypothèse la "plus probable", a estimé samedi Éric Coquerel, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Le gouvernement écarte aussi a priori l'hypothèse des ordonnances, ces textes qui permettent à l'exécutif d'imposer des mesures sans passer par le Parlement. Elles n'ont jamais été utilisées pour un projet de budget depuis le début de la cinquième République.