Le luxe "made in Italy" bousculé par des enquêtes sur ses sous-traitants
Le monde feutré du luxe italien est bouleversé par une série d'enquêtes sur des conditions de travail dégradantes chez des sous-traitants dans le pays, le gouvernement dénonçant des attaques contre...
Le monde feutré du luxe italien est bouleversé par une série d'enquêtes sur des conditions de travail dégradantes chez des sous-traitants dans le pays, le gouvernement dénonçant des attaques contre le très prisé "Made in Italy".
Salaires de misère, ouvriers qui dorment dans l'atelier pour fabriquer des articles vendus des milliers d'euros: des enquêtes menées par le parquet de Milan ont révélé un grave manque de supervision des chaînes d'approvisionnement.
En conséquence, cinq grandes marques de mode - parmi lesquelles une filiale d'Armani et le spécialiste du cachemire Loro Piana (groupe LVMH) - ont été placées temporairement sous administration judiciaire depuis 2024.
Tod's
Mercredi, les avocats du chausseur Tod's se sont présentés devant un juge milanais, la marque étant accusée de faire fabriquer dans des conditions dégradantes des pièces pour ses chaussures mais aussi les uniformes de ses équipes.
Les avocats ont obtenu un délai pour "renforcer le système de contrôle" de la société sur ses fournisseurs, selon la requête consultée par l'AFP. L'audience a été renvoyée au 23 février 2026, a indiqué le juge.
Tod's a souligné dans un communiqué que le groupe voulait "depuis toujours (...) faire toute la lumière sur cette question sérieuse (...) considérant que protéger et défendre la dignité des travailleurs fait partie des valeurs les plus importantes de notre famille et des principes fondateurs du groupe".
Le gouvernement italien est aussi passé à l'offensive pour défendre ses marques: le ministre de l'Industrie Adolfo Urso a déclaré que la réputation des marques italiennes était "attaquée".
Il a proposé un certificat pour les entreprises de luxe leur permettant de montrer que leurs produits sont conformes à la législation en vigueur – une mesure que les critiques ont qualifiée de sans effet, en partie parce qu'elle est volontaire.
Le procureur de Milan Paolo Storari a mis en lumière avec ses enquêtes le côté sombre de l'industrie du luxe.
À ce jour, les enquêtes ont aussi ciblé la filiale italienne de Dior et le maroquinier Alviero Martini, et les procureurs ont suggéré que d'autres enquêtes pourraient suivre.
Les procureurs avaient déclaré le mois dernier que Tod's – dont les mocassins en cuir peuvent coûter plus de 800 euros – avait "parfaitement conscience" de l'exploitation de sous-traitants chinois.
Tod's aurait ignoré ses propres audits révélant des horaires de travail prolongés et des salaires trop bas – avec des travailleurs payés jusqu'à 2,75 euros de l'heure en Italie – ainsi que des zones de couchage au sein des ateliers considérées comme "dégradantes" par les procureurs.
En vertu de la loi italienne, les entreprises peuvent être tenues responsables des infractions commises par des fournisseurs agréés.
Image de marque
Les défenseurs des salariés de la mode dénoncent des abus depuis des décennies. Les fournisseurs "sont à la merci de ces grandes marques qui imposent leurs conditions commerciales, avec des prix trop bas qui ne permettent pas de couvrir tous les coûts", a déclaré à l'AFP Deborah Lucchetti, coordinatrice nationale de la Clean Clothes Campaign en Italie.
Les fournisseurs de premier rang se tournent alors vers d'autres sous-traitants, imposant des conditions toujours plus strictes, ce qui conduit à abuser de leurs employés, en majeure partie immigrés.
Dans un contexte de ralentissement du luxe et de hausse des coûts de production, ces petites et moyennes entreprises ont fermé par dizaines de milliers ces dernières années, selon les représentants du patronat.
Leur image de marque étant attaquée, certaines maisons ont tenté de rassurer l'opinion publique. Elles ont par exemple coupé les liens avec des fournisseurs en les blâmant pour avoir dissimulé des abus.
Prada a invité des journalistes la semaine dernière dans son usine de Scandicci, près de Florence (centre), montrant la transformation étape par étape du cuir souple en sacs à main de luxe. Le groupe mène une "bataille constante" avec inspections et contrôles pour garder une chaîne d'approvisionnement propre, a assuré le directeur marketing du groupe Lorenzo Bertelli, également président de Versace.
86UH6NT