Transports
Le téléphérique urbain, une idée qui monte
Avec l’inauguration du Câble C1 en région parisienne, l’industrie du téléphérique prend sa place en ville, pour franchir des autoroutes et des voies ferrées. Le transport urbain en cabines diffère cependant de son cousin montagnard par plusieurs aspects.
Devant la station de téléphérique de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), la file d’attente ne cesse de s’allonger. Les passagers qui aimeraient emprunter les nouvelles cabines à peine inaugurées, ce samedi 13 décembre, doivent patienter. Les agents ont pour instruction de ne remplir qu’une cabine sur trois, afin de laisser d’autres voyageurs monter aux stations suivantes. Une fois suspendu dans les airs, chacun sort son téléphone pour prendre des photos du paysage, en dépit du brouillard persistant qui recouvre toute la matinée ce coin de banlieue parisienne.
L’inauguration du téléphérique urbain du Val-de-Marne par Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Ile-de-France, était très attendue. « Les habitants, les petits comme les grands, étaient impatients. De Valenton, pour rejoindre le métro à Créteil, on ne mettra plus que 12 minutes, contre 40 minutes en bus ou en voiture », confie Metin Yavuz, maire (LR) de Valenton, ville de 15 000 habitants desservie par le téléphérique.
Le « Câble C1 », c’est son nom officiel, n’est pas le premier téléphérique urbain en France. Celui de Brest (Finistère), qui date de 2016, a été suivi par Toulouse, Saint-Denis de la Réunion (2022) et Ajaccio, inauguré en octobre. Mais le C1, qui serpente désormais dans la banlieue sud de la capitale, est, avec 4,5 kilomètres et quatre tronçons, « le plus long d’Europe », assurent ses concepteurs. Le câble relie la station de métro Créteil-Pointe du Lac, desservant directement le centre de Paris, à un quartier de Villeneuve-Saint-Georges (45 000 habitants). Livré par le constructeur autrichien Doppelmayr, l’ouvrage compte 30 pylônes et ses 105 cabines peuvent contenir chacune dix personnes. Une cabine démarre toutes les 30 secondes.
Le transport par câble en ville n’est pas une incongruité en Turquie, en Algérie et surtout en Amérique du Sud, où le premier « Metrocable », à Medellin (Colombie) date du début des années 2000. Contrairement aux territoires montagneux, où le téléphérique est utilisé pour accéder à un belvédère ou à un sommet, le transport urbain ne franchit pas nécessairement de dénivelé. Il est utilisé, en revanche, pour passer un obstacle, tel un fleuve, la Penfeld à Brest ou la Garonne à Toulouse, ou une série de coupures urbaines, gare de triage, autoroute, ligne à haute tension ou carrière, comme c’est le cas dans le Val-de-Marne.
Si les cabines du C1 ressemblent beaucoup à celles qu’on voit dans les stations de sports d’hiver, supports pour les skis en moins, le fonctionnement d’un câble urbain diffère cependant en plusieurs points. Tout d’abord, l’infrastructure tourne bien davantage : tous les jours, toute l’année, de 5h30 à 23h30 dans le cas du Val-de-Marne, contre huit heures environ les jours d’hiver pour les téléphériques de montagne. Le survol, y compris en soirée, inquiète davantage les habitants à l’année que des résidents secondaires qui louent leur bien une partie de la saison. Par ailleurs, les usagers ne sont pas des sportifs aguerris harnachés dans leur tenue de ski et tenant leur matériel à la main, mais les gens du quartier, qui reviennent de leurs courses, personnes âgées ou enfants aux pas hésitants.
La crainte des agressions
L’accessibilité du téléphérique urbain a été soignée, signale Muriel Larrouy, chargée de mission à la délégation ministérielle à l’accessibilité. « On a divisé par deux la vitesse de la cabine en station, 0,8 mètre par seconde, contre 1,6 prévu au départ, les cabines peuvent accueillir des fauteuils roulants et les chiens-guides des aveugles ont leur place sous les sièges », détaille-t-elle.
Afin de prévenir les agressions, chaque cabine est équipée d’une caméra et de deux « boutons d’urgence ». La mise en service du C1 a même été l’occasion d’une mini-polémique dont la République a le secret, après qu’une députée LFI, Nadège Abomangoli, l’a qualifié de « nid à agressions sexuelles », proposant de réserver certaines cabines aux femmes.
La région, le département, l’Etat et l’Union européenne, qui ont financé l’infrastructure, pour un montant total de 138 millions d’euros, saluent toutes l’avènement d’un nouveau mode de transport et le désenclavement de quartiers isolés. Mais le téléphérique urbain n’a pas vocation à se développer partout. Tous les projets de câble qui foisonnaient début du millénaire, à Grenoble, Tours ou Givors (Rhône), ont été abandonnés. Pour la seule Ile-de-France, il existe encore « douze projets », signale Valérie Pécresse, « mais un seul a passé la tamis de l’enquête socio-économique », dans les Hauts-de-Seine.
En attendant, le C1 doit convoyer 11 000 personnes par jour, peut-être davantage si, comme ses homologues de Brest et Toulouse, il attire également des randonneurs en mal de dépaysement. Gageons que les jours de neige, la fréquentation atteindra des sommets…
Olivier RAZEMON pour DSI