Logistique
Les livraisons, casse-tête en ville
La logistique urbaine se complique, à mesure que les particuliers exigent d’être livrés rapidement à domicile, et que les plans de circulation limitent l’accès des camionnettes. Au salon Solutrans, à Lyon, le secteur mise sur la camionnette électrique, mais aussi sur l’optimisation des trajets.
Les guirlandes scintillent, les vitrines brillent, les passants s’attardent joyeusement dans le froid, leurs paquets à la main. C’est la magie de l’avent, cette période de l’année propice à la consommation. Et aux livraisons. En décembre, plus encore que le reste de l’année, la logistique urbaine est confrontée à des défis croissants. Les commandes des particuliers, en plein essor depuis la pandémie, les restrictions de circulation dans les villes et l’impératif de réduction de la pollution atmosphérique et des émissions de CO2 modifient en profondeur les pratiques du secteur. « La logistique urbaine génère 30% des gaz à effet de serre, 40% des émissions de particules fines et 50% de la consommation de gazole en ville », signalait, en 2022, un guide rédigé par l’association des Intercommunalités de France et le groupe La Poste.
Cette pression, on l’a retrouvée au salon Solutrans consacré au transport routier, qui se tenait à Lyon à la mi-novembre. Les participants à une table ronde sur la « logistique urbaine » se sont interrogés sur l’avenir du véhicule électrique, paré de toutes les vertus. Le virage n’est toutefois pas facile à prendre. Fraikin, société spécialisée dans la location de véhicules industriels et utilitaires, constate la prudence de ses clients. « Ils s’inquiètent du prix auquel ils pourraient revendre un véhicule électrique dans six à huit ans », témoigne Olivier Renard, PDG de l’entreprise. Fraikin leur conseille évidemment la location plutôt que l’achat, même si seuls « 2 500 véhicules sur les 33 000 que nous possédons sont considérés comme ‘bas carbone’ », indique Olivier Renard.
« Il s’agit de changer un modèle qui a plus de cent ans. Nous sommes encore dans la courbe d’apprentissage. Les pionniers essuient les plâtres », observe Christophe Martin, directeur général de Renault Trucks France, qui a vendu 5 000 véhicules de livraison électriques en France. Les nouveaux modèles de la marque, présentés au salon Solutrans, doivent devenir « les kings de la ville » et même « tuer le game », assure-t-il. Un coup d’œil au site du constructeur permet toutefois de constater que ces véhicules sont également vendus en version diesel.
Electrique ou non, la livraison dans les méandres des villes n’est pas une partie de plaisir. « Il y a beaucoup de casse en urbain. Les clients râlent, il faut réparer », reconnaît Olivier Renard, chez Fraikin, en évoquant « la drogue, l’alcool », qui limitent les performances des conducteurs. Ceux-ci sont extrêmement sollicités. « Le rendement et la productivité qui leur sont demandés sont incroyables, jusqu’à 150 points d’arrêt par jour », explique-t-il, sans toutefois aller jusqu’à remettre en question le modèle de la livraison urbaine, basé sur les coûts les plus bas, voire sur les « frais de port offerts » aux particuliers.
Mieux penser les tournées
Une logistique vertueuse ne s’appuie pas seulement sur le changement de motorisation. « Le combat du CO2 passe par l’optimisation du véhicule et l’organisation », insiste Loïc Chavaroche, « directeur qualité sécurité sûreté environnement » du groupe Sterne, spécialisé dans la logistique « premium », rapide et sûre. Cet acteur international pratique « les tournées sans aucun détour, la réduction des kilomètres parcourus, des charges pleines à 90% », et une logistique « circulaire, combinant la dépose et la repose ». Cette prouesse, qui repose à la fois sur des véhicules motorisés et des vélo-cargos, suppose une connaissance précise des villes. Loïc Chavaroche aimerait être « informé du moindre changement de sens de circulation, car si une rue devient piétonne, le micro-hub installé à cet endroit n’a plus aucune utilité ».
La préparation des Jeux olympiques de Paris, à l’été 2024, très critiquée avant l’événement, demeure, plus d’un an après, une référence pour le secteur. « Rien n’a manqué dans Paris », constate Loïc Chavaroche, en estimant que cette séquence pourrait servir de modèle « en cas d’événement majeur dans une ville ». Les chargeurs, inquiets de ne pouvoir desservir les quartiers fermés au trafic motorisé, s’étaient alors appuyés sur les sociétés qui livrent en vélo-cargo.
Ce type de livraison « ne s’applique pas seulement aux derniers mètres, comme on l’entend parfois ! », s’exclame Yolaine Urvoy, directrice des Boîtes à vélo France, qui regroupe les professionnels faisant de la bicyclette leur principal moyen de déplacement. Dans une salle du parc d’exposition de Lyon, la structure partage un petit stand avec d’autres acteurs de la cyclologistique. Le secteur ne doit pas être confondu avec les livraisons de repas : il s’agit de transporter des biens, à vélo électrique, dans les rues étroites et encombrées, à partir de hubs de décharge situés aux portes des villes. Durant les quelques jours du salon Solutrans, « nous avons reçu la visite de quelques collectivités qui souhaitent tester la logistique à vélo, mais aussi de prestataires qui nous proposent leurs services », témoigne Yolaine Urvoy. Signe qu’il existe plusieurs manières de décongestionner les villes.