Les opérateurs des transports publics espèrent convaincre un pouvoir affaibli
Dans l’incertitude, les entreprises de transport des voyageurs attendent du budget pour 2026 davantage de recettes, et des engagements pérennes. La loi sur le financement des infrastructures, qui devait être présentée à la fin de l’année, demeure en suspens.

Dans le secteur des transports publics, comme ailleurs, chacun s’accommode de la crise politique. «Dimanche soir, j’étais positif. On avait gardé [Philippe] Tabarot [au ministère des Transports], on aurait notre loi. Lundi matin, je l’étais moins», reconnaît Thierry Mallet, PDG de l’opérateur Transdev et président de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF), organisation professionnelle du secteur. La loi en question est celle promise en juillet par le ministre, qui vise à assurer le financement des infrastructures de mobilité à partir de 2028.
L’incertitude règne également chez Keolis, à la SNCF et à la RATP, grandes principales entreprises du secteur, dont les dirigeants, respectivement Marie-Ange Debon, Jean-Pierre Farandou (nommé ministre du Travail et des Solidarités, au sein du gouvernement Lecornu II) et Jean Castex, devaient entamer prochainement un jeu de chaises musicales, avec l’assentiment des commissions des deux assemblées. Les travaux du Parlement ont été suspendus lors de la démission de Sébastien Lecornu.
Mais dans les transports publics comme ailleurs, malgré la crise politique, la vie continue. L’UTPF a présenté, le 7 octobre, ses «propositions pour le projet loi de Finances 2026», même si l’examen de celui-ci demeure incertain. Les demandes des opérateurs, il est vrai, ne diffèrent pas vraiment de celles des années précédentes. Côté recettes, ils réclament l’accès à de nouvelles sources de financement, en particulier un supplément à la taxe de séjour ou l’augmentation du plafond du versement mobilités, cet impôt assis sur la masse salariale qui finance les transports publics. Les entreprises aimeraient aussi bénéficier d’une fraction des plus-values foncières qui surgissent dans un quartier raccordé à un réseau de mobilité. A proximité des nouvelles stations de métro ou de tramway, en particulier, les prix de l’immobilier augmentent, généralement au bénéfice des promoteurs. Côté dépenses, les opérateurs souhaitent un « bonus écologique » qui aiderait les collectivités à acquérir des bus «propres», propulsés à l’électricité ou à l’hydrogène.
Manque de visibilité
En attendant que ces suggestions soient reprises, ou balayées, par le pouvoir législatif, l’UTPF avance une nouvelle version de son «observatoire» annuel, qui sonde cette année le rapport des usagers au prix qu’ils paient pour se déplacer. Presque la moitié des sondés, 2 000 personnes vivant dans des agglomérations de plus de 20 000 habitants, et ayant donc accès à un réseau de transport, assurent «être bien informés» sur le financement. Pourtant, les trois quarts d’entre eux estiment que le ticket finance la moitié, ou plus, du fonctionnement des transports. En réalité, cette part ne dépassait pas 27% en 2023. Invités à préciser qui sont les financeurs, les sondés répondent que ce sont «les collectivités» (38%), «les contribuables» (19%) voire «l’État» (18%) qui contribuent le plus. Les employeurs ne sont cités que pour 8% du financement… alors que leur contribution atteint 47%.
Les connaissances ne sont pas meilleures lorsqu’on leur demande de comparer le prix moyen d’un ticket payé en France avec celui qui s’impose dans les pays voisins. La plupart ne savent pas que les tarifs à l’unité sont bien plus élevés dans les grandes villes d’Europe : 3,90 euros à Hambourg, 3 euros à Anvers, 2,65 euros à Barcelone ou 2,20 euros à Milan. Enfin, les usagers ont tendance à surestimer l’impact de l’inflation. Pour 34% d’entre eux, le prix d’un abonnement aurait, ces dernières années, «beaucoup augmenté» (34%) ou «un peu augmenté» (45%), alors que, a calculé l’UTPF, «le prix moyen d’un abonnement de transport a baissé de 19% entre 2013 et 2023», notamment en raison de la multiplication des tarifs réduits pour certaines catégories de population, voire de la gratuité totale.
Bienveillance
Les usagers conservent une certaine bienveillance pour les transports en commun. Leur développement recueille l’assentiment de 90% des sondés, qui y voient un avantage pour «les habitants du territoire», «la société française dans son ensemble» et «les entreprises». 57% seraient même prêts à «payer un tarif plus élevé» pour que les usagers qui en ont vraiment besoin puissent bénéficier de tickets à un prix avantageux.
Les généreuses politiques tarifaires des collectivités expliquent pourtant en partie le manque de ressources. «La part des recettes dans le financement des transports en commun diminue en raison des gammes de tarifs solidaires dans les grandes villes, tandis que le coût des voyages est en augmentation», souligne Anne-Lise Avril, directrice générale du groupe Keolis. A quelques mois des élections municipales, l’UTPF assure cependant que ce rappel ne vise pas les élus locaux. Les transporteurs, qui ne peuvent pas vraiment compter l'État, ont besoin de maires décidés à développer les transports publics.