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Musées de France : un constat global d'insécurité

Spectaculaire, le casse du Louvre n'est pas un événement exceptionnel : une vingtaine de musées subissent des vols chaque année. Les mesures prises par les conservateurs devront être renforcées, a montré une commission sénatoriale.


Spectaculaire, le casse du Louvre n'est pas un événement exceptionnel. © AFP
Spectaculaire, le casse du Louvre n'est pas un événement exceptionnel. © AFP

Le vol au Louvre fera-t-il partie de ces événements traumatiques qui font office de déclencheur ? Le 29 octobre, la Commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat organisait une table ronde consacrée à la sûreté des musées, retransmise en ligne. Le nombre de vols de biens culturels ? : « Entre 15 et 20 par an.(...) Ces derniers mois, nous avons eu une accumulation de faits graves », répond Jean-Baptiste Félicité, chef de l'OCBC, Office central de lutte contre le trafic des biens culturels. La structure, qui compte une trentaine de membres ( dont 20 enquêteurs) a été créée en 1975 pour combattre le fléau. Parmi les vols récents figure celui perpétré au Muséum national d'Histoire naturelle à Paris. Les malfrats sont partis avec 6 kg de pépites d'or (d'une valeur de 1,5 million d'euros). Les musées de province ne sont pas épargnés. Celui Jacques Chirac (en Corrèze) a été attaqué par des voleurs qui ont dérobé montres et bijoux, autant de cadeaux diplomatiques. Et une centaine de croix huguenotes en or ont disparu du musée du Désert (dans le Gard). A l'origine de ces vols, une criminalité « organisée », pointe Jean-Baptiste Félicité, qui détaille le « recrutement par messagerie cryptée », « des préparatifs assez importants », et « des contre-mesures pour limiter les chances de réussite des enquêtes ».

«  Souvent les vols sont découverts à l'occasion des recollements »

Autre constat, « les biens visés sont principalement de l'or, des bijoux et des pierres précieuses ». Mais le musée Dubouché à Limoges, s'est vu dérober des porcelaines chinoises ( d'une valeur de 6 millions d'euros ) . « Il s'agit d'un phénomène qui semble émergent au niveau européen, celui du vol de porcelaines chinoises », décrit Jean-Baptiste Félicité. Fin 2019, l'OCBC avait déjoué une tentative de vol d’œuvres d'art chinoises- collection rassemblée par Napoléon III - au château de Fontainebleau. Les malfrats venaient d'Espagne. 

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Cette affaire éclaire une double dimension des trafics - et partant, du travail de l'OCBC. Tout d'abord, le phénomène est international, ce qui entraîne la nécessité d'une coopération des enquêteurs des différents pays. Et ensuite, l'enjeu de la destination (nationale ou pas ) des objets volés qui implique un travail sur les filières de recel et une veille sur la circulation des objets dans le secteur marchand.

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Dans les musées, « souvent les vols sont découverts à l'occasion des recollements », poursuit Jean-Baptiste Félicité. Cette opération consiste à vérifier l'inventaire des pièces (où sont-elles et dans quel état) qui constituent la collection. Elle fait partie des obligations des conservateurs de musées. En cas de vol, savoir précisément quel objet a disparu, disposer de photographies s'avère crucial pour l'enquête. « Le recollement est une mission extrêmement importante », confirme Jean-François Hebert, directeur général des Patrimoines et de l’Architecture du ministère de la Culture.

Mais il ne s'agit que de l'un des multiples enjeux auxquels font face les conservateurs des 1220 musées de France. En effet, parmi leurs responsabilités figure bien la sécurisation des collections dont ils ont la charge face aux différents risques (inondation, incendie, dégradation volontaire, et vol). Le ministère de la Culture, lui, a une mission de conseil auprès d'eux sur ces thématiques. Rattachée au ministère, la MISSA, Mission sécurité, sûreté et d'audit, émet des préconisations. Suite au vol du Louvre, les responsables des musées ont reçu un courrier du ministère de la Culture leur préconisant notamment de procéder au retrait des salles d'exposition des objets à risque d'être volés, lorsque les conditions de sûreté ne sont pas réunies . « La meilleure des choses, c'est dommage, c'est de les mettre dans un coffre et de les mettre en sécurité, en attendant de prendre les bonnes mesures », explique Jean-François Hebert.

1300 caméras... non numériques

Sur le fond, beaucoup reste à faire pour que la sûreté des musées soit optimale, à en suivre les axes d'amélioration identifiés par le ministère de la Culture. Tout d'abord, « faire en sorte que ce soit désormais systématique, que les mesures prises en matière de sûreté soient rassemblées dans un document », débute Jean-François Hebert. Deuxième axe fort, «il faut veiller à ce que ces plans de sûreté soient mieux articulés qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent avec l'ensemble des programmations qui sont à l’œuvre dans nos grands musées (…). C'est sans doute cette approche globale qui a manqué au Louvre », poursuit--il. Patrice Faure, préfet de police de Paris, pointe deux autres faiblesses du musée parisien. La première, la vétusté du dispositif de télésurveillance, une partie des 1 300 caméras n'étant pas numériques, un frein à la vitesse de transmission des images. La seconde, l'impossibilité, pour des raisons légales, d'employer l'IA, intelligence artificielle.