"On me confie des instruments qui ont besoin d'amour"
À Rouen, Manon Bard a repris en février dernier l'atelier de lutherie de Jean-Marc Sahran. Aux Violons du Robec, avec passion, elle rénove et entretient des violons, violoncelles et contrebasses.

"Il n'est pas là Monsieur Sahran ?"… Les habitants du quartier comme les clients n'ont pas encore tous appris le changement. L'atelier de lutherie de Jean-Marc Sarhan, situé place du Lieutenant Aubert à Rouen, a changé de mains. C'est désormais entre celles de Manon Bard que sont déposés les instruments convalescents… C'est elle qui gère depuis mi-février, l'atelier rebaptisé Les violons du Robec.
"Fabriquer un violon, c'est quelque chose d'exceptionnel"
"Je joue du violon depuis l'âge de 7 ans, et c'est comme cela que j'ai su que ce métier existait. Fabriquer un violon, c'est quelque chose d'exceptionnel", raconte-t-elle, diplômée de l'école de lutherie de Mirecourt. C'est là-bas que la jeune femme, originaire d'Île-de-France, a rencontré Jean-Marc Sahran, qui préparait son départ à la retraite. "Je l'ai recontacté à la fin de mes études, et j'ai pu travailler durant deux ans avec lui, avant de reprendre son atelier."
Le changement s'est donc fait en douceur, et la clientèle est restée fidèle à l'atelier. Elle se compose essentiellement d'élèves des nombreuses écoles de musique et de conservatoires de la région rouennaise. Et bien sûr quelques musiciens professionnels. "On doit remettre en état des instruments qui ont souvent besoin d'amour. Et il faut aussi être à l'écoute des musiciens qui viennent souvent nous voir dans l'urgence." Des violons, bien sûr, mais aussi les autres instruments du quatuor à cordes frottées : alti, violoncelles et contrebasses.
Près de 200 instruments en location
Outre le travail de lutherie à proprement parler, Manon Bard découvre aussi, depuis son arrivée à Rouen, d'autres aspects du métier. "À l'école de lutherie, on ne nous apprend pas à devenir chef d'entreprise, souligne l'artisane. C'est la raison pour laquelle je me suis rapprochée, avant la reprise, de la Chambre des métiers et de l'artisanat et de France Active."
Comptabilité, administration, gestion des stocks… C'est aussi le quotidien d'un luthier qui est avant tout un commerçant. "Il y a aussi la gestion des contrats de location. J'ai environ 200 instruments, principalement des violons, mais aussi des violoncelles et des alti, en location."
Ouvrir l'atelier aux visiteurs
Peu à peu depuis février, la jeune artisane prend ses marques seules dans l'atelier. Et déjà, elle nourrit des projets. "J'ai beaucoup de communication à faire. Je voudrai animer un peu mieux mes réseaux sociaux, et aussi proposer une offre de playlist…" À plus long terme, elle souhaite aussi ouvrir davantage les portes de son atelier.
Le lieu, logé dans une vieille maison à colombage, a du caractère. Et l'univers de la lutherie, fait d'odeurs de bois, de vernis et de camphre, attise l'imaginaire. "J'aimerais pouvoir le faire visiter aux adultes et aux enfants. Et peut-être aussi, à terme, proposer des ateliers de découverte de la lutherie."
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre