Plan de cession : sort de la caution en cas de reprise volontaire de dettes du débiteur par le cessionnaire
L’engagement pris par le cessionnaire d’une entreprise de payer, après cession, les mensualités d’un prêt accordé au débiteur avant le jugement d’ouverture n’emporte pas novation par changement de débiteur, si bien que la caution demeure tenue de garantir l’exécution de ce prêt.
La solution retenue dans le présent arrêt n’est pas nouvelle, ni véritablement surprenante (Cass. com., 9 févr. 2016, n° 14-23.219, n° 138 P+ B : BAG 95, « Plan de cession : sort du prêt consenti avant l’ouverture de la procédure collective », p. 12). Encore faut-il bien cerner la problématique à laquelle il répond, la solution retenue par la cour d’appel et le moyen du pourvoi voire certains aspects de la réponse apportée par la Cour de cassation mettant en évidence de fausses pistes.
Une banque consent à une société deux prêts garantis par l’engagement de deux cautions. La société emprunteuse est soumise à une procédure de sauvegarde ensuite convertie en liquidation judiciaire. Dans ce dernier cadre, un plan de cession est adopté au profit d’une seconde société, cessionnaire, qui s’engage à payer les mensualités des deux prêts à échoir postérieurement à la cession. La banque n’étant pas réglée de certaines de ces échéances assigne la seconde société et les cautions et obtient leur condamnation en paiement. La société cessionnaire est à son tour soumise à une procédure collective. La banque ne déclare pas sa créance dans les délais et le juge-commissaire rejette sa demande en relevé de forclusion. Elle se tourne alors vers les cautions et leur délivre un commandement aux fins de saisie immobilière, qui sera contesté. La cour d’appel annule ce commandement au motif que la créance de la banque sur la société cessionnaire serait éteinte. La banque forme un pourvoi et obtient la censure des juges du fond, la Cour de cassation jugeant que les cautions ne sauraient être considérées comme libérées de leur engagement : aucun des évènements décrits n’a pu produire cet effet.
Commençons par le défaut de déclaration de la banque au passif de la société cessionnaire sur lequel la cour d’appel avait fondé la nullité du commandement. A juste titre, la Cour de cassation affirme que ce manquement n’a pu avoir aucune incidence sur l’obligation de l’emprunteur initial et donc sur l’engagement de la caution. L’obligation de la seconde société ne se substitue en effet pas à celle de la première (nous y reviendrons), mais se superpose à elle, si bien qu’à supposer que le défaut de déclaration ait pu conduire à l’extinction de la créance à l’égard de la société cessionnaire – ce dont on peut déjà douter, le défaut de déclaration entraînant l’inopposabilité de la créance à la procédure collective ou au débiteur et non son extinction… – celle-ci n’aurait pas eu pour effet d’éteindre l’obligation de la société cédante. A ce titre, la caution demeure tenue de la dette.
Elle le demeure d’abord parce que, comme le relève la Cour de cassation, l’événement ayant conduit à ce que le cessionnaire se trouve obligé au paiement des échéances postérieures à la cession n’a pas emporté novation par substitution de débiteur. En l’espèce, c’est volontairement que le cessionnaire s’était engagé à la prise en charge de la dette liée aux deux prêts. Or, selon l’ancien article 1271 du code civil applicable à la cause (C. civ., art. 1330, mod. par Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, art. 3), la novation par substitution de débiteur ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès du créancier, en l’occurrence absent. Le moyen au pourvoi faisait également référence au transfert légal de la charge
de la sûreté prévu à l’article L. 642-12, alinéa 4 du code de commerce, qui n’était manifestement pas en cause cependant puisque la Cour de cassation ne s’y réfère pas. Du point de vue de la novation, cela n’aurait de toute façon rien changé que l’engagement du cessionnaire ait eu lieu en vertu de ce mécanisme, puisqu’au moins jusqu’à l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 réformant le livre VI du code de commerce, celui-ci ne produisait pas d’effet novatoire (Cass. com., 8 janv. 2020, n° 18-21.925 ; Cass. com., 13 avr. 1999, n° 97-11.383, n° 837 P + B ; Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-13.802, n° 1459 P + B).
La caution demeure également tenue dans la mesure où, comme le précise la Cour de cassation, les prêts dont le cessionnaire accepte d’assumer la charge pour les échéances à venir ne sont généralement pas, et n’étaient pas en l’espèce, des contrats en cours. L’observation est importante s’agissant de déterminer le sort de la caution. Rappelons qu’en cas de cession, le tribunal détermine les contrats en cours nécessaires au maintien de l’activité, qui seront alors transmis au cessionnaire (C. com., art. L. 642-7, al. 1 et 2). Dans ce cas, les créances nées du chef du cessionnaire à compter de la cession ne sont plus garanties par la caution dont l’obligation de couverture prend fin, sauf nouvel
engagement exprès de celle-ci en ce sens. Seules le demeurent les créances nées du chef de la société dont l’entreprise est cédée, que la caution a consenties à couvrir (Cass. com., 13 févr. 2007, n° 05-19.470 ; Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-17.128, n° 1553 P + B). Dans le cadre d’un prêt, la créance de remboursement de la banque est intégralement née du chef de l’emprunteur au jour où le contrat de prêt a été conclu et les fonds débloqués. Elle est intégralement garantie par la caution, peu importe que ce remboursement ait vocation à être exécuté sur un temps plus ou moins long au cours duquel un plan de cession peut intervenir. Ainsi, à défaut de libération de la caution par un évènement particulier telle que la novation dont on a vu qu’elle n’avait pas eu lieu en l’espèce, celle-ci demeure tenue de son engagement.
Si, dans la situation d’un engagement pris par le cessionnaire d’assumer volontairement la charge de certains éléments du passif du débiteur garantis par un cautionnement, la solution retenue sous l’empire des textes actuels devrait être identique à celle dégagée dans cet arrêt par la Cour de cassation, un doute peut exister s’agissant de déterminer le sort de la caution garantissant un prêt dont la charge des échéances futures est transmise au cessionnaire sur le fondement de l’article L. 642-12, alinéa 4. Depuis l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, le texte prévoit en effet que le débiteur se trouve libéré de ces échéances futures, ce qui est reconnaître un effet novatoire au mécanisme légal. La caution, qui devrait a priori se trouver libérée, pourrait cependant bien en être empêchée par l’article 2298, alinéa 2 du code civil dans sa rédaction issue de l’autre ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant cette fois le droit des sûretés, qui dispose que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire ». Tout cela demeure cependant incertain tant que la Cour de cassation n’a pas eu l’occasion de prendre position sur ces questions plus complexes encore qu’il n’y paraît.
Cass. com., 2 juill. 2025, n° 24-13.481, n° 369 B
Florence Reille, Professeur de droit privé, université de Toulon

