Port-Jérôme : dernière ligne droite pour l'électrolyseur Normand'Hy
En cours de construction, le plus gros électrolyseur d'Europe devrait entrer en production au printemps 2026. Air Liquide compte y produire 28 000 tonnes d'hydrogène vert et décarboné par an.

C'est un chantier impressionnant qui marque (un peu plus) l'entrée de la vallée de Seine dans l'ère de l'hydrogène. Le plus gros électrolyseur d'Europe sort peu à peu de terre à Port-Jérôme-sur-Seine. Baptisé Normand'Hy, ce projet est porté par le groupe Air Liquide. D'une capacité de 200 MW (soit dix fois plus importante que les électrolyseurs actuellement opérationnels chez Air Liquide), il produira 28 000 tonnes par an de dihydrogène. Ce 26 septembre, l'entreprise a fait le point sur l'avancement du projet.
Des débouchés en grande partie sécurisés
Pour mener à bien ce projet de 450 millions d'euros, (dont 190 millions financés par l'Etat), l'industriel, pourtant fort d'un chiffre d'affaires de 27,6 milliards d'euros à l'échelle mondiale, a joué la sécurité. En commençant par s'assurer des débouchés. Le choix de l'estuaire de Seine pour implanter cet électrolyseur n'a en cela rien d'anodin. «C'est le premier bassin de consommation d'hydrogène en France», rappelle Nicolas Droin, directeur général d'Air Liquide France Industrie. «Il représente un tiers de la consommation française».
Ainsi 60 % de la production de l'électrolyseur Normand'Hy est d'ores et déjà sous contrat. Le pétrolier Total, gros consommateur d'hydrogène et déjà client d'Air Liquide en vallée de Seine, en a à lui seul réservé 50 %. Et 10 % seront destinés à servir directement de carburant à des réseaux de mobilité. Restent 40 % à écouler, pour lesquels Air Liquide compte sur un développement du marché. «Nous sommes convaincus que l'hydrogène a un rôle fondamental à jouer dans la décarbonation de l'industrie et de la mobilité», justifie Armelle Levieux, membre du comité exécutif du groupe Air Liquide et directrice innovation et technologie. «Six millions de tonnes d'hydrogène vert et bas carbone vont être mis sur le marché dans les années qui viennent. Et les deux tiers ont déjà trouvé acheteurs». Un positionnement qui justifie aussi, le lancement d'un second projet de 200 MW à Rotterdam (fin 2027).
Des modules d'électrolyse innovants
Restait à franchir les gaps technologiques. Car la mise à l'échelle industrielle de l'électrolyse est encore récente. «Les premiers pilotes industriels datent de 2018», rappelle Armelle Levieux. C'est l'association avec Siemens Energy et la création d'une gigafactory près de Berlin qui a permis de décupler la capacité de production, via la création de cellules d'électrolyse à membranes. Elles seront 288 à prendre place au sein de l'usine de Port-Jérôme, et offrent une forte capacité d'adaptation de l'outil. «On pourra adapter la capacité de production de 1% par seconde, s'enthousiasme Rahim Salemkour, directeur de projet. Cela signifie que l'on sait aujourd'hui s'adapter par exemple à l'intermittence des énergies renouvelables».
Car c'est de l'électricité verte, ou en tout cas décarbonée, qu'ingurgitera principalement l'électrolyseur. Il est alimenté par 260 MW en continu soit un cinquième de la capacité de production d'un des réacteurs nucléaires de la centrale de Penly ! Cette électricité, c’est… Total qui lui vendra puisant sur sa production renouvelable, et, en appoint, du parc nucléaire. Cette électricité permettra le craquage d'environ 70 mètres cubes d'eau par heure.
Un centre de conditionnement

Purifié et mis sous pression, l'hydrogène produit par l'électrolyseur intégrera en majorité le réseau souterrain, via un pipe dont dispose déjà Air Liquide sur le bassin, et auquel l'usine a été raccordée. Une partie sera aussi acheminée par la route, grâce à la construction d'un centre de conditionnement, pour alimenter les réseaux de «mobilité lourde».
La mise en production est prévue au printemps prochain, pour une montée à plein régime prévue fin 2026. Depuis le début des travaux préparatoires en septembre 2022 et même depuis la pose du premier pieu en 2024, le site s'est métamorphosé. Il accueille régulièrement 400 à 500 ouvriers chaque jour et a déjà connu 650 000 heures de travaux.
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre