Social
Salariés protégés : jusqu’où doit aller le contrôle de l’inspection du travail sur les procédures de licenciement ?
Dans une récente décision, le Conseil d’Etat est venu rappeler le principe selon lequel lorsque l’inspecteur du travail est saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, il doit veiller à la régularité de la forme et de la procédure interne de licenciement. Sans en conclure qu’un vice affecte systématiquement la demande d’autorisation portée par l’employeur.
La protection particulière des salariés investis de fonctions représentatives
En vertu des dispositions du Code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est accordée après une procédure contradictoire au cours de laquelle tant l’employeur que le salarié peuvent faire valoir leurs observations.
Les motifs de licenciement sont classiques : faute, motif économique, inaptitude …Dans tous les cas, pour d’évidentes raisons tenant au principe de non-discrimination syndicale, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.
Un double contrôle de l’administration
Lorsqu’il envisage de licencier un salarié protégé, l’employeur doit donc suivre deux procédures distinctes : celle du Code du travail applicable à tout salarié (tenant, par exemple, à la saisine du comité social et économique), mais aussi celle imposée par l’administration, suivant la protection particulière du salarié.
La question des points de contrôle effectués par l’administration recevant une demande d’autorisation de licenciement a longtemps alimenté les débats judiciaires, certains considérant que cette dernière ne devait pas contrôler la légalité de la procédure interne à l’entreprise (ce point revenant au juge judiciaire), d’autres considérant, au contraire qu’il s’agissait là d’une question de fond, susceptible de vicier la décision de l’autorité administrative.
Par une importante décision du 21 mai 2008, le Conseil d’Etat a imposé aux inspecteurs du travail de vérifier les deux, c’est-à-dire également la régularité des procédures internes (CE, Ministre de l’emploi c. M. R..., 21 mai 2008, n°304394, A).
Afin de corriger certains effets néfastes de cette jurisprudence, le législateur a adopté l’article L.1235-2 du Code du travail qui dispose que « Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, -3, -4 et L. 1233-11, à L.1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ».
La nécessité de prouver un grief
Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat le 7 novembre dernier*, il était justement question d’un salarié ayant été licencié, mais qui estimait que la procédure de licenciement interne à l’entreprise avait été viciée, ce qui entraînait l’illégalité de l’autorisation de licenciement accordée par l’inspecteur du travail. Il précisait, pour ce faire, que le courrier l'informant qu'il était traduit devant le conseil de discipline ne comportait pas toutes les indications requises (et notamment, ni la date, ni l’heure de la convocation).
Le Conseil d’Etat relève à cet égard : « qu'un tel moyen met en cause la légalité interne de la décision attaquée ». Il en conclut que l’administration doit « rechercher si, malgré cette irrégularité, le conseil de discipline avait été mis à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation ».
Ainsi, le Conseil d’Etat maintient clairement ses jurisprudences Den Hartog de 2015 et Veron International de 2018 : toutes les irrégularités de forme ou de procédure internes à l’entreprise n’affectent pas nécessairement négativement la décision de l’inspection du travail. L’administration doit systématiquement se demander, face à un vice, si celui-ci a été « de nature à » fausser la procédure.
* CE, 7 novembre 2025, n° 491700, B