Visites d'aptitude à la conduite: "une idée de bon sens" pour éviter des drames
Réflexes diminués, confusion entre frein et accélérateur... Ces phénomènes provoquent des accidents de la route mortels, qui pourraient être évités si les visites médicales d'aptitude à la conduite devenaient obligatoires, défendent un collectif et des députés...

Réflexes diminués, confusion entre frein et accélérateur... Ces phénomènes provoquent des accidents de la route mortels, qui pourraient être évités si les visites médicales d'aptitude à la conduite devenaient obligatoires, défendent un collectif et des députés, quand d'autres voix craignent une "stigmatisation" des seniors.
Treize blessés à Narbonne (Aude) pour un conducteur nonagénaire qui a percuté la terrasse d'un restaurant; huit blessés à Warmeriville (Marne) après l'accident provoqué par un septuagénaire entré avec sa voiture dans une boulangerie; un couple de retraités blessés après que le conducteur octogénaire a perdu le contrôle de son véhicule: Pauline Déroulède énumère ces faits survenus récemment.
"C'est toujours les mêmes raisons, soit l'accélérateur ou le frein, soit le pseudo malaise. J'ai l'impression de relire mon accident à chaque fois", déplore la championne paralympique de tennis, qui a perdu sa jambe gauche en 2018 à Paris, fauchée par un nonagénaire ayant confondu le frein avec l'accélérateur, "victime de lui-même par son inaptitude".
Depuis, celle qui incarne le collectif Sauver des vies c'est permis, lancé en février 2024, milite ardemment pour prévenir ces drames.
Actuellement en France, il existe un contrôle médical obligatoire, auprès d'un médecin agréé, pour quiconque souffre d'une affection considérée comme incompatible avec le maintien de la conduite, ou pour récupérer ce droit à la suite d'une invalidation, d'une suspension ou d'une annulation.
La proposition de loi (PPL) transpartisane portée notamment par le député Horizons Frédéric Valletoux s'articule autour d'un certificat médical à fournir dès l'obtention du permis puis à renouveler tous les 15 ans jusqu'à 70 ans, ensuite tous les cinq ans.
"Il faut qu'on puisse maintenant traduire dans la loi cette idée de bon sens, souligne le parlementaire.
"Le combat est de faire passer des visites médicales pour tous les conducteurs, pas seulement les personnes âgées. On n'est pas tous égaux et c'est bien pour ça qu'il faut une visite pour tout le monde, même si on parle souvent des seniors", insiste Pauline Déroulède. Elle, n'a pas oublié son conducteur, "un monsieur qui a eu une fin de vie extrêmement compliquée en étant tout à fait conscient de ce qu'il avait fait et ce qu'il aurait pu éviter de faire s'il avait passé une visite".
L'enjeu de l'autonomie
Mais des associations et professionnels s'alarment d'une "stigmatisation", de fait, des seniors.
"Le permis de conduire est un facteur majeur d'autonomie pour les personnes âgées. La législation en vigueur et les débats en cours privilégient l'auto-évaluation de l'aptitude plutôt qu'une limitation stricte et potentiellement arbitraire", soulignent Les Petits frères des pauvres, ajoutant "que maintenir une capacité de déplacement autonome des personnes âgées est fondamental pour leur bien-être et pour lutter contre leur isolement".
Les statistiques sur les accidents provoqués par une inaptitude à la conduite sont rares et peu détaillées. Mais selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), en 2024, 3.161 personnes sont présumées responsables d'accidents mortels, causés notamment pour 14% par l'inattention, 10% par des malaises et 4% par des contresens. Les 75 ans et plus représentent 17% des tués et 12% des présumés responsables d'accidents mortels.
Olivier Guérin, professeur des universités et praticien hospitalier en gériatrie au CHU de Nice, s'inquiète lui aussi d'une "stigmatisation d'une certaine partie de la population" avec une telle loi.
"On ne peut que compatir et être en empathie mais il ne faut pas faire le raccourci de +il y a eu cet accident parce qu'il était vieux, il faut donc interdire à tous les vieux de conduire+", explique le gériatre, "parce que c'est une sanction extrêmement lourde de ne plus conduire".
"Il n'y a pas de raison d'avoir un âge limite de quoi que ce soit sur la conduite comme pour le reste", répète le professeur, qui s'interroge: "Que met-on en place pour garantir la liberté d'aller et venir, qui est un droit fondamental ?"
Olivier Guérin fonde ses espoirs plutôt sur "la robotisation des véhicules, qui les rend beaucoup plus sûrs".
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