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Des prélèvements biologiques et des biberons pour prématurés transportés par drone

Piloté par le centre hospitalier universitaire d'Amiens, ce projet expérimental s'inscrit dans une logique de maillage territorial en lien avec les centres hospitaliers d'Abbeville et de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer. Il a été présenté sur l’un des toits du CH d’Abbeville.

Première en France, le drone transporte, depuis Amiens, des biberons pour prématurés hospitalisés à Abbeville.
Première en France, le drone transporte, depuis Amiens, des biberons pour prématurés hospitalisés à Abbeville.

Un point qui se devine dans le ciel, avant de se rapprocher, de prendre la forme d’un drone qui, peu bruyant, ralenti puis atterri avec douceur sur l’un des toits du centre hospitalier d’Abbeville… Le groupement hospitalier du territoire Somme-littoral-sud vient de lancer le drone Air GHT (groupement hospitalier de territoire) sous la stupéfaction de l’assistance composée en grande majorité de salariés du CH.

Trois rotations par jour

Il s'agit d'un projet expérimental innovant de livraison par drone de prélèvements biologiques. Il fait la liaison entre le centre hospitalier universitaire d’Amiens et le centre hospitalier d’Abbeville (47 km) en 25 minutes, puis si besoin et après changement de la batterie, vers le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer (49 km). Les transports peuvent être réalisés dans le sens inverse avec toujours un arrêt pour le changement de batterie à Abbeville. Première en France, un transport de biberons pour prématurés est également effectué depuis le centre hospitalier universitaire d’Amiens vers le centre hospitalier d’Abbeville. Il devrait être qualifié pour fin juin et bénéficier d'une publication scientifique. 

Sandrine Castelain, chef du pôle biologie-pharmacie au CHU d’Amiens, Olivier Leroy, chargé de projet pour la filière biologie du GHT Somme Littoral Sud, Hélène Deruddre, la directrice du centre hospitalier d’Abbeville, Pascal Demarthe, maire d’Abbeville et Gautier Dhaussy, co-fondateur de Delivrance.

Le projet a débuté par des vols expérimentaux de nuit au cours de l'année 2024. Ces essais ce sont poursuivis par des vols expérimentaux en journée depuis le mois de mai et qui s’achèveront mi-juin, au sein d'un couloir aérien défini et validé par la direction générale de l'aviation civile. Ces liaisons, à raison de trois rotations par jour 4 fois par semaine entre les trois sites hospitaliers, sont assurées par un drone, mesurant 2, 70 m d’envergure, pesant 25 kg et volant à 100 km/h à une centaine de mètres du sol.

Un concentré de technologie au service de la santé

Il peut transporter trois kilos, soit quatre biberons ou 40 tubes : «4 températures sont possibles : ambiante entre 18 et 25 °C, entre 2 et 8 °C, entre 0 et 4 degrés (NDLR : la température des biberons le jour de la présentation) et entre - 20 et -25 °C. On gagne du temps, il n’y a pas besoin de coursier et c’est un transport décarboné», informe Olivier Leroy, chargé de projet pour la filière biologie du GHT Somme Littoral Sud. S’il est présenté comme un outil supplémentaire dans la logistique de demain, le drone ne se substituera pas totalement aux transports en voiture.

Il est équipé d’un parachute et de transpondeurs pour le localiser. Sur les trajets, en cas d’urgence, un système de pause s’enclenche. Lors de fort vent ou de pluie trop intense, il ne volera pas : «Ce n’est pas un gadget pour faire joli, assure Gautier Dhaussy, co-fondateur de la société rouennaise Delivrance, spécialisée dans le transport de produits de santé par drone et qui gère ce service clé en main. C’est un concentré de technologie au service de la santé. Toutefois, il reste encore du travail avant d’envisager un déploiement». Directeur adjoint en charge du département recherche et innovation au CHU d’Amiens, Martial Roucout estime que le drone Air GHT Somme-Littoral-sud pourra bientôt notamment transporter des médicaments, des traitements de chimiothérapies…

Porté par la fédération médicale inter-hospitalière de biologie, le drone Air GHT vise à diviser par deux les délais de transport, tout en s'inscrivant dans une démarche éco-responsable car les émissions de gaz à effet de serre seront réduites de 95% par rapport au transport routier traditionnel. Si l'impact sonore du drone reste modéré, environ 40 dB contre 120 pour un hélicoptère, la direction du centre hospitalier d’Abbeville (situé en centre ville), se dit à l'écoute des riverains et vigilante quant aux éventuelles nuisances : «Nous sommes sur un besoin de santé. Le gain est énorme», assure Hélène Deruddre, la directrice du centre hospitalier d’Abbeville. «Nous pourrons par exemple demander des analyses d’urgence pour des personnes qui auront avalé des produits inconnus», illustre le docteur Michel Kfoury, président de la commission médicale d’établissement au CH d’Abbeville.

L’arrivée du drone a fait son petit effet.


Le projet, qui s’élève à 200 000 euros et mobilise 30 personnes, est soutenu financièrement par le conseil départemental de la Somme. Agence régionale de santé, région… d’autres partenaires sont espérés pour des projets expérimentaux à venir. Ce matin là, après s’être posé à Abbeville et subit un changement de batterie, le drone, chargé de prélèvements, est reparti dans les airs direction le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer.