Face au "diktat" de Trump, la France et l'UE investissent pour attirer les chercheurs
Face au "diktat" de l'administration Trump en matière de recherche, Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron ont annoncé lundi des enveloppes de plusieurs centaines de millions d'euros pour attirer en Europe et en France...

Face au "diktat" de l'administration Trump en matière de recherche, Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron ont annoncé lundi des enveloppes de plusieurs centaines de millions d'euros pour attirer en Europe et en France les scientifiques étrangers, particulièrement menacés aux Etats-Unis.
Remettre en cause le rôle de la science "est une énorme erreur d'appréciation", a estimé la présidente de la Commission européenne, en clôture de l'événement "Choose Europe for science" organisé à Paris à l'initiative du président français.
"Personne ne pouvait penser que cette très grande démocratie du monde, dont le modèle économique repose si fortement sur la science libre", "allait faire une telle erreur", a abondé M. Macron, dénonçant tout "diktat qui consisterait à dire qu'un gouvernement" puisse interdire "de chercher ceci ou cela".
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier, chercheurs et universités sont dans le collimateur de son administration, entre libertés académique et de recherche minées, financements sabrés. Et nombre de scientifiques s'interrogent sur la possibilité de poursuivre leurs recherches ailleurs.
Pour les inciter à "choisir l'Europe", la Commission européenne va proposer "une nouvelle enveloppe de 500 millions d'euros" pour la période 2025-2027, a déclaré sa présidente dans les locaux du prestigieux campus universitaire de La Sorbonne, au cœur de Paris.
3% du PIB
Vantant les "investissements stables et soutenus" et l'"infrastructure" favorables à la recherche en Europe, Ursula von der Leyen a annoncé des mesures pour pallier ses "lacunes", notamment "une nouvelle +super-subvention+ d'une durée de sept ans" ainsi que le doublement jusqu'en 2027 du "complément" versé aux bourses de recherche.
"A moyen et long terme: avec nos Etats membres, nous voulons atteindre l'objectif de 3% du PIB (produit intérieur brut, ndlr) pour l'investissement dans la recherche et le développement d'ici à 2030", a-t-elle ajouté. En répétant sa volonté d'"inscrire la liberté de la recherche scientifique dans le droit au moyen d'un nouvel acte législatif sur l'Espace européen de la recherche".
De son côté, Emmanuel Macron a annoncé 100 millions d'euros "supplémentaires". Ils serviront à "cofinancer des recrutements dans les établissements français" et seront financés par une réserve du programme d'investissement public France 2030 qui n'était jusqu'ici pas affectée, a précisé l'Elysée. "Cela passera par un engagement du secteur privé et de certaines collectivités locales pour accompagner ces cofinancements", a précisé la présidence.
L'Union européenne accueille déjà "25% des chercheurs mondiaux" et "chaque euro investi aujourd'hui à travers le programme-cadre Horizon Europe générera 11 euros de gain de PIB d'ici 2045", a rappelé en ouverture de la conférence la commissaire européenne pour la Recherche Ekaterina Zaharieva.
"C'est le genre d'engagement audacieux envers la recherche dont le monde a besoin en ce moment", a salué auprès de l'AFP Krutika Kuppalli, spécialiste en maladies infectieuses dans une université texane.
Duplicité
Le chef de l'Etat avait annoncé la tenue de cette conférence mi-avril, au moment où était lancée une plateforme Choose France for Science, qui a depuis "suscité plus de 30.000 connexions, dont un tiers depuis les Etats-Unis", a-t-il indiqué.
L'initiative a fait grincer les dents des syndicats français de l'enseignement supérieur et de la recherche qui dénoncent le "sous-financement chronique" du secteur, des "regroupements forcés" d'établissements, mais aussi "des atteintes quasi incessantes à la liberté académique", en rappelant les polémiques sur le wokisme à l'université.
Pour le directeur de l'Inserm, Didier Samuel, "il y a eu un réinvestissement sur la recherche" ces dernières années mais "on n'a pas encore comblé le trou". Il "faut qu'on maintienne" cette dynamique et qu'"on l'amplifie", a-t-il estimé sur franceinfo.
Les financements supplémentaires annoncés devront "nécessairement bénéficier à l'ensemble de la communauté de la recherche française et européenne", a réagi auprès de l'AFP Yasmine Belkaid, directrice générale de l’Institut Pasteur, qui a déjà reçu "de nombreuses candidatures de très haut niveau".
Ces investissements ainsi que "la simplification des dispositifs d’accueil des scientifiques sont essentiels" afin de renforcer l'attractivité de l'Europe, a noté pour sa part le Pr. Alain Puisieux, président du directoire de l'Institut Curie.
Ces annonces permettent "d'exprimer un certain degré de solidarité à nos collègues en difficulté", a estimé l'immunologue Alain Fischer, lors d'une conférence de presse organisée par le collectif de chercheurs Stand up for Science France.
A ses côtés, le physicien Bruno Andreotti a, lui, dénoncé une "forme de duplicité" quand la recherche subit des coupes budgétaires en France et dans plusieurs pays européens, appelant à "renouer avec des politiques d'investissement".
En France, "des efforts considérables ont été faits ces dernières années" et "vont continuer", a assuré le ministre de la Recherche Philippe Baptiste sur Franceinfo, rappelant que le budget de la recherche publique était de "20 milliards d'euros par an".
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