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Série d'été

La Renarde Débrouillarde : quand le bois reprend vie

Cet été, nous partons à la rencontre des femmes et des hommes qui font bouger l'artisanat en Normandie. Léa Bénard s’est installée comme artisane en 2021. À Saint-Martin-du-Vivier, elle donne une nouvelle vie à du bois mort ou à des chutes de bois, créant des objets décoratifs ou de papeterie.

Léa Bénard devant son atelier à Saint-Martin-du-Vivier, a créé la Renarde Débrouillarde en 2021. © Aletheia Press / B.Delabre
Léa Bénard devant son atelier à Saint-Martin-du-Vivier, a créé la Renarde Débrouillarde en 2021. © Aletheia Press / B.Delabre

Il y a quelques années encore, Léa Bénard accompagnait des jeunes en tant qu’éducatrice. Désormais, elle fabrique des objets en bois. Une compétence-passion née lors de la pandémie de Covid-19. «J’avais déjà entamé ma reconversion au moment du confinement. Mais cela m’a laissé le temps de réfléchir à ce que j’aimais vraiment faire. J’ai toujours été manuelle. J’ai testé la couture, la céramique… mais le bois, c’était une vraie frustration. Personne dans ma famille n’en faisait et j’avais vraiment envie d’apprendre à le travailler».

Une scie à chantourner offerte par sa mère crée l’occasion et bien vite, l’étincelle se transforme en feu de bois. « Je ne faisais plus que ça, tous les jours, tout le temps. J’ai ouvert mon entreprise à peine un an plus tard », après une brève formation dans une menuiserie de la région. Ainsi est née La Renarde Débrouillarde. Ce nom, à la fois évocateur et poétique, n'a pas été trouvé en un instant par Léa. «Je crois que j’aurai pu m’immatriculer bien plus tôt, mais je ne trouvais pas de nom. C’est venu un peu comme ça, un mélange de mon amour pour la forêt, des renards, du Petit Prince, et de la débrouillardise qui me définit bien».

Un artisanat éthique et poétique

Être une « renarde débrouillarde », c’est transformer des bouts de rien en objets. Léa ne coupe pas d’arbres. Elle récupère des chutes, des morceaux oubliés, des branches tombées, chez d’autres artisans ou en forêt. Et elle redonne vie à ces bois délaissés, en stylos, marque-pages, petits jouets ou décorations tendrement forestières. «Je ne fais que des petits objets. Les bonhommes en bois, les petits champignons, j’adore ça», sourit-elle.

La jeune artisane réalise de petits objets à partir de chutes de bois ou de branches tombées au sol. © Aletheia Press / B.Delabre

Quatre ans après la création de son activité, Léa Bénard a quitté l’appentis de sa maison pour s’installer dans un petit local généreusement mis à sa disposition par la commune de Saint-Martin-du-Vivier. Son atelier respire le minimalisme. Deux machines : un tour à bois et une scie à chantourner. Pas de résine, pas de vernis, aucun produit chimique. Un choix assumé : « Je veux que le bois reste brut, naturel. Et surtout, je veux limiter mon impact. » Même ses propres chutes de bois deviennent matière première pour autre chose. Zéro déchet, jusqu’au bout du copeau.

Une vie de marché

Son travail, Léa le vend principalement sur les marchés. Elle sillonne la Normandie, enchaîne les fêtes artisanales ou médiévales… Elle a même participé au marché de Noël de Rouen. De mai à juin, elle est sur la route presque chaque week-end. L’été, elle retourne à l’atelier, bâtir son stock pour la fin d’année. Elle sait aussi répondre à des commandes plus importantes, comme pour réaliser des goodies pour des entreprises.

Même si pour le volet entrepreneurial, elle admet avoir « tout appris sur le tas », elle s’astreint à une gestion rigoureuse. «Mon compagnon m’a fait un super fichier Excel, très détaillé, sur lequel je peux mettre toutes mes ventes, mes achats, et qui me calcule tout. Le fichier me fait ma compta, me calcule les prix de revient, les prix de vente… C’est magique !»

«J’ai trouvé ma place»

Avec la mise à disposition du local, ses charges sont restreintes. L’électricité, un peu de matériel (comme les mécanismes des stylos)… et bien sûr les machines. «Je vais devoir changer mon tour à bois. C’est un budget de 2 000 à 2 500 euros. Ce n’est pas rien.» Auto-entrepreneuse, la jeune femme mesure en effet la fragilité de son activité. «Il y a pas mal de gens qui ont des activités qui sont mises en péril ces derniers mois, années. J’ai des collègues qui ferment leurs ateliers. Donc, ça fait un peu peur quand même. Moi, je me dégage à peu près un SMIC. Ce n’est pas énorme, mais je m’en contente.»

Certifiée Eco-défis (catégorie Or), qualité artisan et lauréate des Trophées de l’Artisanat 2022, elle poursuit en tout cas sa route, sans aucun regret. «Ce que je fais me ressemble. C’est aligné avec mes valeurs. J’ai trouvé ma place.»