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Territoires

Les « Petites cités de caractère » misent sur leur patrimoine

Convertir un couvent en lycée pour répondre aux besoins de la population, stimuler l'artisanat d'art, source d'activité économique, redonner espoir aux habitants d'une ville en difficulté en rénovant l'habitat ... Pour les 50 ans de l'association « Petites cités de caractère », des élus témoignent.


© Adobe Stock.
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Du patrimoine, tout sauf fossilisé. Le 24 octobre, dans le cadre du Salon international du patrimoine culturel, à Paris, l'association « Petites cités de caractère » fêtait son cinquantième anniversaire en incarnant sa démarche, -valoriser le patrimoine des petites villes et en faire une source d'attractivité, y compris pour les habitants- à travers trois exemples. Parmi les quelque 250 communes qui adhèrent à l'association figure Tréguier (Côtes-d'Armor). Du patrimoine, cette ville de 2 600 habitants en regorge, en particulier religieux. Anciennement cité épiscopale dotée d'une magnifique cathédrale, elle abrite un séminaire, plusieurs couvents...Depuis plusieurs décennies, la ville a mis au cœur de sa politique la conversion de ces bâtiments- aujourd'hui propriété de la commune, du département ou de la région- en lieux de vie utiles aux habitants. L'ancien séminaire abrite un lycée et la mairie a son siège dans ce qui fut le palais épiscopal. Le cas de l'ancien couvent des sœurs du Christ- 22 000 m2 au cœur de la ville- illustre les difficultés de la démarche. Longtemps, cet ensemble qui comporte 8 000 m2 de bâtiments est resté en friche. « Nous nous demandions comment le réhabiliter en lien avec les besoins de la cité », explique Patrick Toularastel. adjoint au maire de la ville. Parmi les chantiers menés par la commune dans cet espace, un parc urbain a été inauguré en 2024. Mais plusieurs bâtiments restaient à aménager. La mission, trop lourde pour la petite commune, a été confiée à une société publique locale d'aménagement . Objectifs : réaliser des logements pour jeunes actifs, d'autres en accession à la propriété, mettre en place des espaces pour les professions médicales et paramédicales, rechercher des promoteurs.... « Le programme est à moitié réalisé », se réjouit Patrick Toularastel.

« 70 exposants dans toute la ville »

Comme Tréguier, Beaulieu-lès-Loches (Indre et Loire,1 600 habitants) possède un patrimoine religieux notable : une abbaye bénédictine y a été édifiée entre 1 000 et 1012. La ville abrite aussi des édifices du Moyen-âge, constructions de la Renaissance, maisons du 18ème et bâtiments très contemporains... Comme à Tréguier, la municipalité a souhaité mettre «son patrimoine au cœur du projet » de la ville, explique Sophie Métadier, maire de la cité. Une politique de restauration exigeante a été menée, avec notamment le chantier « colossal » de la flèche du clocher en pierre de taille de l'église abbatiale (5 000 pierres démontées, puis remontées). Mais la municipalité a choisi aussi une orientation spécifique qui se matérialise par son adhésion à l'association « Ville et métiers d'art ». « Nous avons voulu développer l'artisanat d'art que nous voyons comme une source de développement économique et de culture », poursuit l’élue. Aujourd'hui, la ville accueille plusieurs initiatives, fruit de « des dynamiques associatives et entrepreneuriales » nées dans le sillage de la politique de la mairie. Par exemple, l'association Rue des Arts promeut les métiers d'arts dans la ville. Outre la gestion d’une boutique, chaque mois d'août, elle organise un « parcours artistique » dans une vingtaine de lieux (monuments, granges, moulins, ateliers...). « En 2025, il y a eu 70 exposants dans toute la ville », précise Sophie Métadier.

Des habitants fiers de leur ville

Point de cathédrale ni d'abbaye millénaire à Joinville (Haute-Marne). Néanmoins, « c’est une ville magnifique, patrimoniale », explique Bertrand Ollivier, son maire, évoquant le château Renaissance de Claude de Lorraine, et « l'environnement » de la Marne. Mais Joinville (3 000 habitants) se caractérise aussi par une histoire qui a conduit à une situation de « bâti dégradé », relate l’élu : « une expansion rapide pendant les Trente glorieuses, et un déclin très rapide.(...) Moins 40% de population en 40 ans ». Et si certaines des maisons de centre-ville désertées par les familles ont retrouvé une deuxième vie, c'est l’œuvre de « commerçants (qui) les achètent pour faire du logement social très bas de gamme », poursuit-il .

Dans le cadre d'une politique globale visant à extraire Joinville d'une situation économico-sociale difficile (chômage, pauvreté...), l'élu a fait du chantier de la rénovation de l'habitat une priorité. « C'est important car cela contribue à l'image de la ville », explique-t-il. La municipalité a mobilisé de nombreux outils incitatifs et coercitifs. Comme les « permis de louer », destinés à chasser les bailleurs proposant des logements insalubres. Les propriétaires ont été obligés de ravaler leurs façades (via des arrêtés municipaux). La mairie les a soutenus en consacrant 10% de son budget d'investissements (300 000 euros) à des aides au financement des ravalements. Autre initiative, « Osez Joinville » : depuis 2019, un week-end par an, tous les biens à la vente sont ouverts à la visite. « Cela a été un énorme succès. (…) les ventes se sont accélérées et les rénovations aussi. Cela fait travailler les artisans locaux, aujourd'hui encore, il y a des embauches. Par ailleurs, cela a abouti à une hausse du prix du m2, dans cette ville où les biens étaient bradés », note Bertrand Ollivier. Le commerce aussi a été dynamisé. Au global, « tout cela a créé un cercle vertueux ;(...) en 15 ans, on a changé l'image de la ville et on a des habitants qui sont fiers, ce qui n'était pas le cas avant », conclut l'élu.