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"On est pris en étau": avec la dermatose, les vétérinaires cibles de menaces

"Vétérinaires = assassins", cliniques taguées "vétos = collabos"... "On a le droit à tout", déplore le président du Syndicat national des vétérinaires libéraux David Quint, qui témoigne du malaise dans la profession, en première ligne...

Des vétérinaires ont vacciné un troupeau de bovins contre la dermatose nodulaire contagieuse (NDC), à Chaussenans, le 17 octobre 2025 © ARNAUD FINISTRE
Des vétérinaires ont vacciné un troupeau de bovins contre la dermatose nodulaire contagieuse (NDC), à Chaussenans, le 17 octobre 2025 © ARNAUD FINISTRE

"Vétérinaires = assassins", cliniques taguées "vétos = collabos"... "On a le droit à tout", déplore le président du Syndicat national des vétérinaires libéraux David Quint, qui témoigne du malaise dans la profession, en première ligne dans la gestion de l'épidémie de dermatose.

La colère des agriculteurs contre l'abattage des troupeaux affectés par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) s'est, depuis plusieurs jours, aussi tournée contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins, selon les termes utilisés par l'Ordre des vétérinaires.

"Il a essayé de péter ma vitre (de voiture NDLR) avec son poing", a raconté à l'AFP une vétérinaire libérale exerçant dans la Savoie, qui a requis l'anonymat à la suite de cet incident avec des éleveurs.

Durant l'été, elle a été mandatée pour abattre un cheptel dans une exploitation. "Deux voitures se sont garées au milieu de la route comme des cowboys pour nous bloquer le passage et on nous a demandé si nous étions +fiers de ce que nous avions fait+, mon confrère et moi", se souvient-elle.

"Ils étaient quatre, c'était stressant, j'ai appelé la gendarmerie et porté plainte le soir même", poursuit la vétérinaire.

"On est pris en étau entre la souffrance du monde agricole d'un côté et le fait de devoir faire notre métier de l'autre", a regretté auprès de l'AFP Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires.

Lundi, le vétérinaire a reçu cette menace: "dans un autre temps, votre tête aurait fini au bout d'une pique", après s'être exprimé sur BFMTV sur la DNC, une première en 35 années d'expérience.

Une enquête a été ouverte mardi par le parquet de Bergerac (Dordogne) pour menaces de mort après sa plainte.

"Il ne faut pas laisser passer", défend-il, appelant ses confrères à porter plainte s'ils font, eux aussi, l'objet de menaces.

Droit de retrait?

Il n'y a "rien qui justifie que l'on menace quelqu'un de mort", a réagi David Quint, lors d'une conférence de presse mardi de l'Ordre des vétérinaires et de plusieurs organisations syndicales, qualifiant ces intimidations d'"inacceptables".

La stratégie gouvernementale de lutte contre cette maladie animale très contagieuse, non transmissible à l'homme mais qui peut toucher très durement le cheptel, prévoit l'abattage systématique d'un troupeau dès la détection d'un cas, ce qui cristallise les tensions d'une partie des agriculteurs, notamment de la Coordination rurale (deuxième syndicat) et de la Confédération paysanne (3e).

"N'allez pas trop loin sinon vous n'aurez plus de vétérinaires!", a mis en garde le président du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires, Jacques Guérin, interrogé par l'AFP en marge de la conférence.

Face à la pression qui a "monté d'un cran", il a appelé les vétérinaires à faire valoir leur droit de retrait "si les conditions ne réunissent pas leur sécurité et celle de leurs proches".

Cela signifie qu'un vétérinaire habilité et mandaté par une préfecture pour abattre un élevage pourrait refuser sa tâche, tout en argumentant les raisons auprès du préfet, explique l'Ordre.

Mais l'institution précise qu'elle ne soutiendra pas les clauses de retrait "de principe".

Inadmissible

"C'est inadmissible de s'en prendre aux vétérinaires", a réagi auprès de l'AFP Stéphane Galais, porte-parole de la Confédération paysanne, arguant que la "responsabilité du climat de défiance" est à "aller chercher du côté du ministère de l'Agriculture".

Le syndicat concurrent Coordination rurale, lui aussi, "condamne toutes les menaces" envers les vétérinaires, selon François Walraet, secrétaire général du syndicat joint par l'AFP.

"Ce sont nos partenaires. [...] Ce n'est pas à eux qu'il faut s'adresser si on veut que le protocole évolue", abonde-t-il.

"Le vétérinaire dans un élevage, c'est le médecin de famille", a déclaré mercredi le président de la FNSEA Arnaud Rousseau sur France Inter, dénonçant les menaces dont ils font l'objet. "On a besoin d'eux, ce qui se passe en ce moment n'est pas acceptable."

La ministre de l'Agriculture Annie Genevard, qui les a soutenus à plusieurs reprises, avait exclu plus tôt sur RTL un accompagnement des vétérinaires par la gendarmerie pour les vaccinations, appelant à "l'abandon de la violence". 

Si l'Ordre des vétérinaires s'est dit "solidaire" des éleveurs, la présidente de l'association de vétérinaires SNGTV, Stéphanie Philizot, a estimé lors de la conférence de presse que les mesures actuelles étaient "absolument ce qu'il faut faire" pour éradiquer ce virus.

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