La remise de chèques ne suffit pas à prouver l’existence d’une créance
La seule preuve du versement d’une somme d’argent par chèque ne permet pas d’établir l’existence de l’obligation dont le demandeur réclame l’exécution.
La solution de l’arrêt rendu, le 10 septembre 2025, par la Cour de cassation ne surprend guère en ce qu’elle confirme la nécessité pour celui qui poursuit le paiement d’une somme d’argent de rapporter la preuve de l’existence de l’obligation dont il réclame l’exécution. Méritent, en revanche, l’attention les conséquences qu’en tire la Cour de cassation lorsque le versement de la somme litigieuse est effectué au moyen d’un chèque.
En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) remet à une société par actions simplifiée (SAS) deux chèques en règlement de prestations de maîtrise d’œuvre. Après refus du paiement de ces chèques en raison d’une opposition formulée par la SCI, la SAS l’assigne en paiement devant le tribunal judiciaire.
Les juges du fond condamnent la SCI au motif que la seule remise des chèques suffisait à constituer la SAS créancière à hauteur du montant des causes réclamées, nonobstant toute contestation sur la réalité des prestations invoquées par cette dernière à l’appui de sa demande en paiement.
La SCI se pourvoit en cassation. Elle soutient que les juges du fond n’ont pas caractérisé l’existence d’une dette, privant la décision de base légale au regard de l’article 1353 du code civil, qui dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
La Cour de cassation casse et annule le jugement du tribunal judiciaire rendu en dernier ressort. Au visa des articles 1353 du code civil et L. 131-35 du code monétaire et financier, elle rappelle que lorsque la demande en paiement d’une somme inscrite sur un chèque n’est pas fondée sur le droit cambiaire mais sur le rapport contractuel liant le tireur au bénéficiaire, il appartient à celui qui poursuit le paiement de prouver l’existence de l’obligation dont il réclame l’exécution. Elle en conclut que les juges du fond ne peuvent déduire l’existence d’une créance liquide, certaine et exigible de la seule remise des chèques, au motif que tout paiement suppose une dette, sans que la preuve de l’obligation contractuelle ait été rapportée par le demandeur.
Remarque : cette décision n’est pas réellement inédite. Elle peut, en effet, être rapprochée d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, retenant que des chèques émis par un tireur ne peuvent faire preuve, même à titre de commencement de preuve, d’un prêt consenti par un particulier qui ne rapporte pas, en l’espèce, la preuve du versement de la somme litigieuse ; l’existence du contrat de prêt ne peut s’inférer de la seule preuve de la remise des fonds par chèque (Cass. 1re civ., 7 mars 2006, n° 02-20.374, n° 459 P + B). L’arrêt s’inscrit également dans la droite ligne du droit commun de la preuve, en vertu duquel celui qui demande le remboursement d’une somme d’argent supporte en principe la charge de la preuve de l’obligation dont il poursuit l’exécution (C. civ., art. 1315, al. 1er).
➢ Cass. com., 10 sept. 2025, n° 24-16.453, n° 420 B
Nathalie Casal, Juriste consultant en droit des affaires

