Culture
Patrimoine : « Faut-il attendre que le chemin de ronde d'un château s'écroule avec ses visiteurs pour déclencher des bu…
Trois questions à Richard Boyer, co-président de GMH, Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques
Les coupes budgétaires de l’État menacent la survie des entreprises restauratrices de monuments historiques et auront des impacts négatifs sur l'économie des territoires et du tourisme, selon le GMH. Celui-ci plaide pour une gestion pluriannuelle des budgets publics.
Qui sont les entreprises de restauration de monuments historiques regroupées au sein du GMH et comment s'inscrivent-elles dans l'économie du patrimoine ?
Le GMH, syndicat professionnel associé à la FFB, Fédération française du bâtiment, regroupe 260 adhérents, essentiellement des PME et des TPE. Implantées sur tout le territoire, ces entreprises emploient environ 10 000 salariés dont 10% d'apprentis. Elles sont spécialisées dans une douzaine de métiers liés à la restauration du patrimoine bâti. Maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, couvreurs, restaurateurs de décors, ferronniers... Tous restaurent des monuments classés ou inscrits monuments historiques qui appartiennent à l’État, à des collectivités locales ou à des privés. Pour l'essentiel, l'activité de ces entreprises se déroule dans le cadre de la commande publique. Par ailleurs, même lorsqu'un monument appartient à un privé, l’État contribue au financement des restaurations, via les DRAC, Directions régionales des Affaires culturelles. Rappelons que pour le pays, le patrimoine n'est pas une dépense, mais un investissement. Lorsqu'un euro est investi dans la restauration du patrimoine, 20 euros sont réinjectés dans l'économie locale, d'après un rapport du Sénat. En outre, le patrimoine contribue à l'économie du tourisme : les visiteurs viennent de l'étranger pour voir nos châteaux, nos cathédrales...
Quelles seront les conséquences du budget consacré au patrimoine historique dans le PLF, Projet de Loi de Finances 2026, tel qu'il a été déposé en octobre dernier ?
Au delà de ses impacts économiques, la baisse de budget met en danger les monuments eux-mêmes ! Environ un sur cinq nécessite des travaux d'urgence. Nous sommes bien conscients du fait que des efforts doivent être faits au niveau de la nation. Néanmoins, la coupe budgétaire prévue pour le patrimoine est drastique, d'autant qu'elle va faire tomber toute une chaîne des financements complémentaires. Au ministère de la Culture, le montant alloué par le PLF 2026 aux monuments historiques passe de 600 à 400 millions d'euros, soit une baisse de 200 millions. Pour nos entreprises, cela va se traduire par 500, voire 600 millions d'euros en moins de commandes ! En effet, le désengagement de l’État va entraîner celui d'autres financeurs, comme les régions ou des communes, déjà de plus en plus frileux à s'engager. Cela met en péril certaines entreprises du GMH. En effet, elles sont déjà dans une situation compliquée. Ce mois de novembre 2025, les carnets de commandes, qui devraient être normalement remplis à 70, 80 % environ, ne le sont qu'autour de 40%. Nous avons dû absorber un « trou d'air » lié au caractère tardif du vote du budget de l'an dernier, qui a fait que des appels d'offre n'ont pas été lancés. Si le budget de cette année est voté en l'état, ce sera catastrophique. S'il ne l'est pas, les entreprises se retrouveront sans doute face à un nouveau trou d'air.
Au delà de l'enjeu de 2026, la gestion du budget public national en matière de restauration du patrimoine - dont vos entreprises dépendent fortement- vous parait-elle adéquate ?
Notre profession a besoin de stabilité. Nous militons pour des budgets pluriannuels qui offrent une visibilité aux entreprises. Aujourd'hui, le politique agit en réaction. Par exemple, de grands monuments parisiens ont été restaurés en vue des Jeux Olympiques. L'incendie à Notre-Dame a été suivi d'un plan d'action « sécurité cathédrales ». Aujourd'hui, des sénateurs expliquent qu'une hypothétique rallonge du budget serait consacrée à la sécurisation des musées... Faut-il attendre que le chemin de ronde d'un château s'écroule avec ses visiteurs pour déclencher des budgets de restauration ? Nos métiers requièrent des années de formation. Dans le contexte actuel, nos entreprises vont certainement réduire leur volet d'apprentis. S'il advenait un nouveau drame comme l'incendie de Notre-Dame dans quelques années, nos entreprises seraient-elles en mesure de relever le défi ? Si la tendance actuelle se poursuit, ce n'est pas certain. Concernant le niveau des sommes à atteindre, il nous semble qu'un budget annuel de l’État autour de 500 à 600 millions d'euros serait adéquat. Et nous militons aussi pour que l'on trouve des financements complémentaires alternatifs. Le patrimoine contribuant à la santé de l'économie touristique, l'augmentation de la taxe de séjour pourrait constituer une piste.