Droit

La mise en examen, peut-on être reçu avec mention ?

À l’occasion de son rendez-vous MasterGlass début février à Nancy, l’association Avec mon avocat a passé au crible la notion de mise en examen. Aux commandes le professeur Jean-Baptiste Thierry et Maître Frédéric Berna. Le tout relaté par Maître Corinne Aubrun-François.

L’association Avec mon avocat a passé au crible la notion de mise à l’examen à l’occasion de son MasterGlass de début février à Nancy.  © : Avec mon avocat
L’association Avec mon avocat a passé au crible la notion de mise à l’examen à l’occasion de son MasterGlass de début février à Nancy. © : Avec mon avocat

Qu’est-ce qu’une mise en examen et quand est-elle prononcée ?

La mise en examen constitue une phase du procès pénal souvent mal comprises par rapport aux règles du Code de Procédure Pénale en général. Elle est prononcée par le Juge d’Instruction et confère au mis en examen un statut particulier. Elle intervient lorsque le Juge d’Instruction est en mesure de relever des «indices graves OU concordants» de commission de l’infraction par le prévenu. À ce stade il est officiellement suspecté d’avoir commis l’infraction. La mise en examen constitue une faculté pour le Juge d’Instruction en présence d’indices graves OU concordants, en revanche c’est une obligation si les deux branches de l’alternative sont réunies, des indices graves ET concordants. La mise en examen peut constituer une arme stratégique pour le Juge d’Instruction. Prononcée tardivement, certains actes obtenus dans la période antérieure peuvent être annulés s’ils portent atteinte aux droits de la défense ; ordonnée trop tôt au stade de l’enquête, elle peut entraver celle-ci, le prévenu ayant un accès à toutes les informations contenues au dossier. La mise en examen est ordonnée par le Juge d’Instruction et lui seul après audition du prévenu. Devant le Juge d’instruction, il est possible de conserver le silence, de répondre aux questions ou de formuler une déclaration spontanée. L’Avocat peut formuler des observations sur la mise en examen envisagée par le Juge qui rend sa décision à l’issue d’un débat contradictoire. Lors de la mise en examen le Juge d’Instruction notifie le délai «théorique» de la procédure, soit un an pour les délits et 18 mois pour les crimes. Ce délai est purement indicatif et son non-respect n’entraîne pas de sanction.

Quel est le statut du mis en examen ?

Le statut de mis en examen se veut protecteur dans l’esprit de la loi. L’intéressé devient une partie de plein droit à la procédure, il a droit à l’assistance d’un avocat, il peut, par son intermédiaire formuler des demandes auprès du Juge d’Instruction et il peut contester les décisions de celui-ci devant la Chambre de l’Instruction. Le revers de ces droits est la soumission du mis en examen à un contrôle judiciaire qui peut consister en une interdiction d’exercer une profession, de paraître dans un lieu tel que l’entreprise. La privation de liberté est aussi possible sous le contrôle du Juge des Libertés et de la Détention mais elle reste rare en matière de criminalité économique et financière. Seul le Juge d’instruction peut entendre le mis en examen, toutes déclarations ou aveux à d’autres interlocuteurs ne peuvent être retenus dans la procédure sous peine d’être frappés de nullité. Mais le mis en examen dispose en tout état de cause du droit de garder le silence.

Et après la mise en examen ?

À l’issue de la mise en examen, soit le Juge d’Instruction rend une ordonnance de non-lieu, soit une ordonnance de mise en accusation en matière de crime ou une ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel en matière de délit. Il peut renvoyer devant le Procureur selon la procédure de Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), qui est un mode de Justice négociée.

Et la présomption d’innocence… dans ce monde de communication

La mise en examen comporte une forte connotation de suspicion de culpabilité («il n’y a pas de fumée sans feu»). Alors que le mis en examen reste présumé innocent, il subit une atteinte à sa réputation, qui peut parfois ruiner une carrière. Jusqu’en 1993 on évoquait une «inculpation» ce qui accentuait la notion de culpabilité, la modification de la sémantique avec la «mise en examen» n’a cependant pas eu l’effet escompté, les préjugés et la suspicion demeurent. L’on peut malgré tout s’interroger sur les pouvoirs du Juge, notamment dans les affaires politiques ; la mise en examen pouvant constituer une arme délétère pour évincer un homme politique des sphères du pouvoir, alors qu’il pourra se passer plusieurs années avant qu’il soit relaxé par la Juridiction de Jugement. Il peut être important d’organiser la communication autour de la mise en examen ou en prévision de celle-ci.

Le nouveau statut de témoin assisté vs la mise en examen

Dans la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice les droits du témoin assisté sont rapprochés de celui du mis en examen pour tenter de limiter les conséquences de la procédure sur la réputation de celui qui est suspecté mais présumé innocent. En pratique le statut de témoin assisté est peu utilisé au profit de la mise en examen ; si celle-ci peut être redoutée par le mis en cause, en revanche pour l’Avocat qui l’assiste elle constitue un atout car il a accès au dossier. En conclusion, pour être reçu avec mention à sa mise en examen, le mis en cause ne devra pas se présenter seul devant le Juge d’Instruction au risque d’entamer les suites de la procédure au regard des conséquences pour sa personne. Il doit se faire accompagner d’un Avocat pour le soutenir, l’accompagner et le guider dans la stratégie la mieux adaptée à sa défense au regard des faits reprochés.

Avec mon avocat Lorraine, avocat entreprise conseil