Droit
Le nouveau visage du notariat, dix ans après la loi Croissance
L’ouverture de la profession et les soubresauts du marché immobilier ont profondément bousculé la situation économique du notariat, qui s’est dégradée ces dernières années.
Le notariat est « une profession qui a beaucoup évolué, notamment grâce à la loi Croissance qui a donné une impulsion », a déclaré le président du Conseil supérieur du notariat (CSN), Bertrand Savouré, lors d’une rencontre avec la presse fin novembre, à Paris, avant de présenter les principaux résultats d’une enquête IFOP conduite auprès des 17 350 notaires de France, et à laquelle près de la moitié d’entre eux ont répondu.
Une profession plus jeune, plus féminisée, et moins attirée par l’exercice libéral
C’est tout d’abord une profession qui a rajeuni – l’âge moyen est aujourd’hui de 46 ans – et qui s’est beaucoup féminisée : elle compte désormais quasiment autant de femmes que d’hommes, avec davantage de femmes chez les notaires salariés et d’hommes chez les notaires libéraux, mais l’écart est amené à se réduire à mesure que l’ancienneté des femmes dans la profession va augmenter.
Le maillage territorial assuré par la profession fait que « tous les Français sont à moins de 20 kilomètres d’un notaire », a relevé le président du CSN. Si plus de la moitié d’entre eux (53%) sont installés dans une ville de plus de 100 000 habitants, 16% vivent dans des communes de moins de 5 000 habitants. Et, à l’encontre d’une idée reçue sur la transmission familiale de la fonction, les résultats de l’enquête montrent que moins de 20% des notaires ont un parent ou un beau-parent notaire. « Le notariat recrute de façon très ouverte, en dehors du cercle familial. »
Autre évolution notable : alors que la fonction de notaire salarié a longtemps été un statut intermédiaire avant l’installation en libéral, la profession compte aujourd’hui un tiers de notaires salariés, dont 60% disent ne pas vouloir exercer en libéral. Une tendance qui s’explique, selon Bertrand Savouré, par la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : « le notaire travaille trop ».
« Le résultat moyen par professionnel a diminué de 30% par rapport à 2019 »
Si les notaires se déclarent globalement très optimistes à l’égard de l’avenir de leur propre office, ils sont préoccupés par la situation économique de la profession, bousculée par la loi Croissance et Activité, dite « loi Macron », qui a conduit à une augmentation de 50% du nombre des notaires libéraux et de 80% de celui des notaires salariés, en l’espace de dix ans.
Autre facteur qui influe fortement sur la situation économique de la profession : après deux années de suractivité liée à l’explosion des ventes immobilières post Covid, la profession a enregistré « une baisse vertigineuse » de l’activité sur le marché immobilier, depuis septembre 2022. La légère reprise observée en 2025 laisse toutefois à penser que « on sort de la crise », selon le président du CSN. Résultat : le chiffre d’affaires annuel de la profession qui était de 9 milliards d’euros en 2019 est revenu à ce même niveau en 2025, alors que le nombre des notaires a fortement augmenté entretemps. « Le résultat moyen par professionnel a diminué de 30% par rapport à 2019 », avec des situations « très variables » selon les offices. Ainsi, « près de 15% des notaires vivent avec moins de 3 000 euros par mois ». Aujourd’hui, « le notariat gagne correctement sa vie, mais avec une baisse qui est installée pour longtemps ».
Nouvelles installations, sous-traitance et révision des tarifs réglementés
Le président du CSN n’a pas mâché ses mots à l’encontre de l’Autorité de la concurrence qui « s’érige en contrôleur des professions réglementées » : « l’Autorité de la concurrence est une autorité indépendante, ce n’est pas une autorité de régulation », et « la régulation est une fonction qui doit être exercée par l’État ». Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, s’étant déclaré favorable à un nouveau rythme d’évaluation et de publication des cartes d’installation des notaires, la profession travaille actuellement avec le cabinet du ministre à la rédaction d’un décret visant à faire passer le délai de deux à cinq ans.
Autre récente victoire pour le CSN : alors que l’Autorité de la concurrence considère qu’il faut laisser les notaires sous-traiter certaines activités, la profession a adopté en 2024 une règle professionnelle interdisant la sous-traitance dans le périmètre des actes authentiques. Un sous-traitant a contesté cette règle devant la justice et le Conseil d’État a récemment donné raison au notariat.
Enfin, une autre bataille s’annonce avec la prochaine révision des tarifs réglementés. La profession réalise 30 millions d’actes, en moyenne, par an, dont plus de 90% sont à tarifs régulés. « Pour nous, il n’est pas question d’accepter une baisse des tarifs », a déclaré Bertrand Savouré. Le CSN s’apprête à faire des propositions pour favoriser un système de péréquation pour les tarifs de certains petits actes en zones rurales et périurbaines. « L’Autorité de la concurrence dit que la rentabilité d’un office ne doit pas dépasser 20% et on s’élève contre ça. Aujourd’hui, on est à 26%. »